Archives 2001-2011

ALIMENTATION GÉNÉRALE


de Chantal Briet



PROGRAMMATION JANVIER 2007

France,2005, 1h24, documentaire

À la cité de la Source à Epinay-sur-Seine, dans un centre commercial vétuste menacé de destruction, l’épicerie d’Ali reste l’unique lieu d’échange, un refuge où peuvent se retrouver les habitants du quartier. Ce film documentaire nous plonge avec bonheur dans le quotidien d’une petite épicerie, véritable oasis de vie. Les clients se succèdent sous l’œil bienveillant d’Ali, l’épicier charismatique, chanteur à ses heures… Cette chronique émouvante et souvent drôle met en valeur l’importance d’un tel lieu : un petit commerce de quartier où jaillissent encore, malgré les difficultés, la chaleur humaine, le rire, la convivialité…

« Lorsque je suis entrée pour la première fois dans l’épicerie de la Source à Epinay-sur-Seine, Ali m'a offert le café – servi sur les congélateurs, entre la machine à jambon et le journal destiné à tous… Les clients et les habitués qui défilaient chez lui racontaient comme à l’habitude les mini-évènements de leur vie… La pluie, le beau temps, les angoisses du moment, la vie dans la cité, les émissions télé… De ces diverses conversations sortaient des accents de solitude, de détresse, mais aussi beaucoup de bonne humeur et une sacrée dose d’humour – comme pour faire passer le goût un peu amer de la vie… C'était en 1999. J’ai rendu des visites régulières à Ali pendant plusieurs mois, surtout le matin, pour partager le rituel du petit-déjeuner avec Janine, Bertho, Djama et les autres… Je crois bien que je suis devenue, moi aussi, une habituée… J'ai rapidement compris que ce lieu me donnerait la possibilité de poursuivre ma quête : filmer le temps dans un lieu, filmer le temps qui passe sur des êtres, des visages, et sur leurs destinées. Filmer également une manière d’exister ensemble – un petit "commerce", qui reprendrait à son compte l’origine du mot lui-même : un lieu d’échange, où l’on s’alimenterait de manière générale… »
Chantal Briet.

« Au-delà du pittoresque, au-delà du politiquement correct, ce documentaire sur l’épicerie de La Source – quartier "sensible" d’Epinay-sur-Seine – tire sa force d’avoir été tourné sur plusieurs années dans ce lieu quasi unique. "J’ai rapidement compris, explique Chantal Briet, que ce lieu me donnerait la possibilité de poursuivre ma quête : filmer le temps dans un lieu, filmer le temps qui passe sur des êtres, des visages et sur leurs destinées." Filmer le temps est un luxe et une spécificité du documentaire. On peut à la rigueur tourner une fiction sur quelques saisons, très rarement sur des années. Avec le documentaire, c’est possible, voire courant. De cette façon, on gagne en profondeur humaine, en amplitude. La cinéaste ne respecte pas scrupuleusement la chronologie, mais suit l’évolution des personnages qui hantent l’épicerie du dynamique et souriant Ali. Ce havre chaleureux, plus familial qu’un café de quartier, sert de repaire à des chômeurs, des retraités. Certains viennent pour faire des emplettes, mais aussi pour papoter, prendre un café, offert par la maison. D’autres, tel Jamaa, un pilier de l’épicerie ferré en littérature allemande, rendent de menus services en échange de quelques sous. Le temps qui s’écoule, on le perçoit non seulement par le passage du franc à l’euro, mais aussi par des changements dans la physionomie des personnages, dans leur statut social. Le talent de la cinéaste et de ses monteurs (Benoît Alavoine et Nathalie Charles) réside dans leur capacité à dessiner de vrais personnages, dont les apparitions servent de jalons au film (l’épicier Ali, mais aussi Jamaa, Bertho, Rabbah, Papi). Bien sûr, les choses sont parfois un peu forcées sur un mode théâtral. On se doute qu’un tel faisant un numéro de breakdance ou qu’un groupe chantant a cappella dans la supérette jouent pour la caméra. De même, la musiquette qui ponctue les rituels du film accentue son côté folklo. Mais la singularité des personnages transcende ces réserves. La cerise sur le gâteau, qui clôt élégamment le film, c’est la transformation du magasin. Vétuste, il est rénové, réinstallé. Séquence quasi proustienne à la manière du Temps retrouvé ; postface mortifère qui marque la fin d’une époque, la destruction d’un lien. Le nouveau magasin est nickel, mais Jamaa n’y vient presque plus, Papi est mort, etc. Métaphore du progrès, qui améliore la vie, mais détruit le tissu social. Il y a dans ce film la quintessence de ce qu’ont toujours cherché, en forçant sur le trait, Mocky, Jérôme Deschamps ou Scola. »
Vincent Ostria, Les Inrockuptibles

SEANCES

Jeudi 11 janvier à 18h30
Vendredi 12 janvier à 18h30
Samedi 13 janvier à 20h30
Dimanche 14 janvier à 20h30

INÉDIT À NANTES