CINÉMA D'HIER ET AUJOURD'HUI • JUIN 2015
Suède, 1965, 1h36, VOSTF
avec Keve Hjelm, Ann-Marie Gyllenspetz, Inger Taube
VERSION RESTAURÉE
avec Keve Hjelm, Ann-Marie Gyllenspetz, Inger Taube
VERSION RESTAURÉE
Le titre annonce le film : l’amour au cœur de la décennie. Le film ne raconte que cela : un échantillonnage de sentiments en milieu bourgeois. "Pour autant, l’amertume qui s’en dégage n’a rien d’ironique, car les atermoiements du tournage et des aventures du réalisateur se moulent pour de vrai sur la vie de Widerberg. C’est ce travail d’embaumement brut, non retraité, qui fait cinquante ans plus tard, tout le charme de ce ruban de doutes, d’actes manqués et de vagues à l‘âme". Adrien Denouette, Critikat
Séances
Dimanche 7/06 16:45
Lundi 8/06 18:30
Jeudi 11/06 21:00
Dimanche 14/06 19:00
Lundi 8/06 18:30
Jeudi 11/06 21:00
Dimanche 14/06 19:00
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"Avec Amour 65, Widerberg livre un film beaucoup plus réflexif. En mettant en scène un cinéaste en crise (probablement son alter-ego), il s’interroge sur la création, sur le devenir du cinéma et s’inscrit une fois de plus dans la lignée d’un cinéma moderne qui remettait alors en question le récit traditionnel. Cette fois, le cinéaste n’hésite pas à citer directement ses références : Godard et sa fameuse phrase sur "la vérité 24 fois par seconde" et Antonioni. De Godard, Widerberg retient l’idée qu’on ne peut plus désormais raconter une histoire de manière traditionnelle, avec un début, un milieu et une fin. Il opte donc pour une chronique assez confuse où le personnage du cinéaste en crise d’inspiration trompe son épouse avec une actrice. Quant à la référence à Antonioni, elle tient dans ce désespoir existentiel qui enserre chaque individu. Que ce soit la monotonie du mariage ou l’illusion de liberté qu’apporte la relation extra-conjugale, les personnages du film sont terrassés par une sorte d’ennui indéfinissable, par une réification qui accompagne de manière irréversible l’expansion de la société de consommation et du « bien-être » pour tous. Couple en crise, artiste en panne d’inspiration, personnages confrontés à une perte de repères existentiels : Amour 65 est assez typique de cette période où le cinéma se prend pour objet (toutes proportions gardées, il est dans le droit chemin tracé par Le mépris de Godard et Huit et demi de Fellini) et réfléchit à sa spécificité.
Pour être franc, ce côté très intellectualisé et théorique du film constitue aussi sa limite et ses faiblesses. D’une part, parce que l’œuvre de Widerberg n’a pas ici l’ampleur de celles de ses prédécesseurs ; d’autre part, parce que ce discours anti-romanesque a un peu vieilli et nous apparaît aujourd’hui comme de la simple redite.
Ces réserves posées, le film est loin d’être négligeable et séduit par la vigueur d’un montage saccadé qui fait se succéder des faces à faces psychologiques entre les personnages (pour le coup, le cinéaste n’est pas si loin de Bergman) et des plages plus contemplatives où une musique mélancolique (qui fait un peu songer à l’utilisation que Malle faisait de Satie dans Le feu follet) accompagne les doutes existentiels des protagonistes.
Amour 65 fait aussi preuve d’une liberté assez inédite (pour l’époque) dans son approche de la liberté sexuelle et conforte l’idée d’un cinéma suédois très en avance quant à la manière de représenter la sexualité et l’érotisme à l’écran (quelques années plus tard, Vilgot Sjöman ira encore plus loin dans le beau Je suis curieuse). L’ironie veut d’ailleurs que Godard ait pastiché ce genre d’œuvre leste dans une scène célèbre de Masculin féminin !
Même s’il paraît un peu brouillon, le film intéresse également par la manière qu’il a d’envisager une nouvelle manière de faire des films où l’improvisation autour d’une trame lâche remplacerait les scénarios solidement charpentés. En ce sens, la présence dans le film du comédien Ben Carruthers est plus que symbolique puisque Widerberg renoue avec les méthodes expérimentées quelques années auparavant par Cassavetes dans Shadows : improvisation, l’entrelacement subtil entre l’art et la vie, l’amour et le travail, réflexion sur la liberté et les contraintes sociales.
Dans le film, une fillette qui louche doit se faire opérer de l’œil. La métaphore est limpide : pour Widerberg, il s’agit de tenter de porter un nouveau regard sur les choses, de les voir avec un œil neuf. Si le pari n’est pas entièrement tenu parce que les références convoquées sont trop écrasantes, le cinéaste a le mérite de tenter des choses, d’expérimenter, d’entrechoquer les plans pour percer le mystère de la vie et de l’art."
Vincent Roussel, culturopoing.com
Pour être franc, ce côté très intellectualisé et théorique du film constitue aussi sa limite et ses faiblesses. D’une part, parce que l’œuvre de Widerberg n’a pas ici l’ampleur de celles de ses prédécesseurs ; d’autre part, parce que ce discours anti-romanesque a un peu vieilli et nous apparaît aujourd’hui comme de la simple redite.
Ces réserves posées, le film est loin d’être négligeable et séduit par la vigueur d’un montage saccadé qui fait se succéder des faces à faces psychologiques entre les personnages (pour le coup, le cinéaste n’est pas si loin de Bergman) et des plages plus contemplatives où une musique mélancolique (qui fait un peu songer à l’utilisation que Malle faisait de Satie dans Le feu follet) accompagne les doutes existentiels des protagonistes.
Amour 65 fait aussi preuve d’une liberté assez inédite (pour l’époque) dans son approche de la liberté sexuelle et conforte l’idée d’un cinéma suédois très en avance quant à la manière de représenter la sexualité et l’érotisme à l’écran (quelques années plus tard, Vilgot Sjöman ira encore plus loin dans le beau Je suis curieuse). L’ironie veut d’ailleurs que Godard ait pastiché ce genre d’œuvre leste dans une scène célèbre de Masculin féminin !
Même s’il paraît un peu brouillon, le film intéresse également par la manière qu’il a d’envisager une nouvelle manière de faire des films où l’improvisation autour d’une trame lâche remplacerait les scénarios solidement charpentés. En ce sens, la présence dans le film du comédien Ben Carruthers est plus que symbolique puisque Widerberg renoue avec les méthodes expérimentées quelques années auparavant par Cassavetes dans Shadows : improvisation, l’entrelacement subtil entre l’art et la vie, l’amour et le travail, réflexion sur la liberté et les contraintes sociales.
Dans le film, une fillette qui louche doit se faire opérer de l’œil. La métaphore est limpide : pour Widerberg, il s’agit de tenter de porter un nouveau regard sur les choses, de les voir avec un œil neuf. Si le pari n’est pas entièrement tenu parce que les références convoquées sont trop écrasantes, le cinéaste a le mérite de tenter des choses, d’expérimenter, d’entrechoquer les plans pour percer le mystère de la vie et de l’art."
Vincent Roussel, culturopoing.com