CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Despair


de Rainer Werner Fassbinder



CINÉMA D’HIER ET D’AUJOURD’HUI • MAI - JUIN 2012

France-Allemagne, 1978, 1h59, VOSTF
avec Dirk Bogarde, Andréa Ferréol, Klaus Löwitsch
RÉÉDITION

Hermann Hermann est un propriétaire d'usine de chocolat, d'origine russe, dans l’Allemagne du début des années 1930. Partageant ses fantasmes et ses perversions avec sa femme Lydia, il est hanté par des visions de son double. Pendant un voyage d'affaires, il rencontre le vagabond Félix et voit en lui son sosie qui lui inspire un plan risqué : Félix et Hermann vont échanger leurs rôles dans la vie…


"Adapté d’un roman de Nabokov par le dramaturge anglais Tom Stoppard,
Despair est une curiosité mal connue dans la filmo de Fassbinder malgré un pedigree prestigieux (et qui ressort dans une superbe copie restaurée). C’est surtout une longue blague existentielle cruelle, à l’humour très littéraire (les jeux de mots dans la scène l’ouverture sur l’effondrement de Wall Street), mais qui happe par sa fantasmagorie.
Le film travaille les thèmes chéris de RWF : l’identité fracturée, les dominants/dominés, les apparences que ses personnages n’arrivent jamais à maintenir en société. La déclinaison est certes beaucoup plus littérale que dans ses mélos socio-punks (tel
Tous les autres s’appellent Ali), mais les divagations d’Hermann stylisent ces obsessions et magnifient la grammaire visuelle maison – filmer le monde comme s’il était derrière une vitrine à coups de recadrages, reflets et figurants inquisiteurs.
A l’image de l’appartement Art déco d’Hermann, le film est un palais des glaces, superbe mais trompeur. Les peintures y prennent vie et les victimes disent merci lorsqu’on les assassine. Fassbinder y inverse la trajectoire usuelle des protagonistes de ses films (atteindre les sommets de l’échelle sociale ou, du moins, un semblant de normalité) lorsque l’élégant Hermann se clochardise de son plein gré. Mais il le fait avec son émotion dévastatrice habituelle. L’illusion poignante d’une utopie vouée à l’échec.
Despair, c’est la disparition rêvée d’un homme, sauf que le numéro de passe-passe a un effet inattendu : en bon cinéphile, Fassbinder livre à Hermann un finale à la
Boulevard du crépuscule, version chalet suisse glauque. Avec Bogarde en Gloria Swanson, prêt à offrir un gros plan aux policiers qui l’arrêtent. Hollywood n’est jamais loin chez Fassbinder, mais avec une distance qui lui est propre. Celle qui fait chuchoter Bogarde sur sa condition soudain retrouvée d’acteur. Celle du créateur mais midinette lucide, qui peaufine de belles miniatures comme ce Despair, dont chaque détail tutoie aussi bien le diable que les anges."]i
Léo Soesanto, Les Inrockuptibles

Séances

Samedi 26 mai 2012 à 21:00
Lundi 28 mai 2012 à 16:45
Vendredi 1er juin 2012 à 21:00
Dimanche 3 juin 2012 à 18:15
Lundi 4 juin 2012 à 18:45