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Gomorra


de Matteo Garrone



CRENAU / COSMOPOLIS • OCTOBRE 2017

Italie, 2008, 2h15, VOSTF
avec Salvatore Abruzzese, Gianfelice Imparato

Adaptation du "nonfiction novel" et best-seller de Roberto Saviano, le film, primé à Cannes, atteste du retour en force d’un cinéma italien nourri au réel, qui a donné parmi le meilleur des œuvres transalpines. Le titre est la contraction de Gomorrhe, cité biblique détruite pour ses moeurs dévoyées et de Camorra, mafia qui domine Naples. Loin des représentations de la mythologie mafieuse au cinéma, Gomarra entrecroise, pour en tirer une ample chronique criminelle, aussi bien le marché sauvage des déchets toxiques, tenu par la Camorra, où l’on comprend comment la mozzarella peut avoir un goût de dioxine, que le recrutement d’enfants pour convoyer les déchets dangereux. C’est Naples, mais aussi les hommes et les femmes qui en constituent la matière première, tôt utilisée et tôt liquidée. La réalité que donne à voir Garrone est complexe et fait système. Il se garde bien de la juger. Il s’intéresse plus à ses personnages, incarnés par des acteurs très inspirés, dont beaucoup sont non professionnels, qu’il filme en gros plans, caméra à l’épaule, en mouvement dans un style proche du documentaire.

"Loin d’être une paresse, le choix par Garrone et ses scénaristes d’une structure chorale et du tressage de petites histoires est la parfaite traduction dramaturgique de la toile d’araignée mafieuse, de son organisation verticale et pyramidale, de son règne par la segmentation des tâches, de sa présence ubiquiste. Garrone montre ainsi admirablement la Camorra comme un univers invisible, mais omniprésent, dont il est presque impossible de s’échapper, de même qu’il suggère avec clarté les ressemblances voire la consanguinité entre mafia et libéralisme économique. Dans la région de Naples, la Camorra est comme l’air que l’on respire. (...) A ce rayonnement délétère, il faut des contre-poisons à la hauteur. Et comme le livre, ce film est à la hauteur de son sujet : mais ce n’est qu’un film, ce qui est peu, et déjà beaucoup. Gomorra n’éradiquera pas la Camorra, mais il informe, alerte, éveille, dans un superbe geste de cinéma citoyen et de cinéma tout court."
Serge Kaganski, Les Inrockuptibles

Séance unique • Octobre 2017

• jeudi 12/10 à 20:15 > suivi d'une discussion animée par Laurent Devisme, enseignant-chercheur à l’Ensa Nantes

Bande-annonce