CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Jules et Jim


de François Truffaut



INTÉGRALE FRANÇOIS TRUFFAUT • FÉVRIER-MARS 2016

France, 1962, 1h45
Avec Jeanne Moreau, Oscar Werner, Henri Serre, Marie Dubois
NUM • VERSION RESTAURÉE

Vers 1910, un jeune allemand et un jeune français se lient d’une amitié que ni l’amour de la même femme ni la guerre ne viendront altérer... Le plus littéraire des films de Truffaut que la lecture du livre de Henri Pierre Roché avait bouleversé, par son histoire et par son style. Offrant à Jeanne Moreau un des plus beaux rôles de femme de son œuvre, il retrouve la nervosité tendue, la vivacité du style écrit grâce à une narration alerte et grave, portée par la musique de Georges Delerue. L’équilibre délicat entre mélodrame scabreux et pureté morale n’a rien perdu de sa poésie, grâce, entre autres, à la qualité d’un montage sur le fil du rasoir. Lors de sa sortie, et ce durant quatre ans, le film fut interdit aux moins de dix huit ans...

"Sur le livre que je connaissais par cœur, j'ai marqué d'une ou plusieurs croix ce qui me plaisait le plus, j'ai inscrit quelques commentaire et j'ai donné tout ça à Jean Gruault, coadaptateur et dialoguiste du film. Il a écrit un texte de deux cents pages que j'ai repris, travaillant à la colle et aux ciseaux, en me réservant d'improviser au tournage les scènes qui me sembleraient indispensables au dernier moment. Par exemple, j'ai lu les lettres qu'Apollinaire écrivit dans le recueil "Tendre comme le souvenir". Au fur et à mesure de la lecture, elles m'étaient plus intimes, plus familières, j'en parlais, j'en faisais un monologue que je donnais à l'acteur et qui, peu à peu, devenait une scène. Ainsi, quand la fiction nous entraîne parfois loin de la vie, on dit tout à coup ce qu'on pense, on se sauve par la sincérité...
J'ai conservé au long du film un commentaire "off" chaque fois que le texte me paraissait impossible à transformer en dialogues ou trop beau pour se laisser amputer. Je préfère à l'adaptation classique, transformant de gré ou de force un livre en pièce de théâtre, une forme intermédiaire qui fait alterner dialogues et lectures à haute voix, qui correspond en quelques sorte au roman filmé. Je pense d'ailleurs que
Jules et Jim est plutôt un livre cinématographique que le prétexte à un film littéraire." François Truffaut, Le Monde, 1962

"Le style, ou plutôt "le ton Truffaut", qui trouve avec Jules et Jim sa parfaite expression, est composé de tendresse - Je n'en veux pour preuve que les plans où Truffaut se penche, avec une émotion tout juste allusive, sur la petite fille de Catherine et de Jules ; et d'une étonnante pudeur qui trouve ses meilleurs masques dans l'humour, conduisant ici à la caricature gentiment souriante de la belle époque des années 25, et dans une discrétion généralisée ; discrétion d'un texte et d'une musique ((enfin!) qui ne font pas pléonasme avec l'image - Truffaut n’insiste pas, il indique, il glisse, surtout quand il frôle le drame. On n'imagine pas sans inquiétude ce que serait devenue, en d'autres mains, la scène où Catherine, en brûlant ses lettres d'amour, met le feu à son déshabillé." Jean-Louis Bory, Arts, 1962

"Lorsqu'il cita pour la première fois le roman Jules et Jim dans l'une de ses critiques de la revue Arts, François Truffaut n'avait pas ­réalisé de film. Il se fit la promesse de commencer sa carrière de ­cinéaste en adaptant cet extraordinaire livre d'Henri-Pierre ­Roché, un vieil inconnu de 76 ans.
Même si Truffaut retarda le projet,
Jules et Jim fête le passage d'un homme de mots vers un monde d'ima­ges : c'est un hymne au plaisir d'« entrer en cinéma ». Tout en gardant un ton très littéraire, il met en scène la rage d'aimer, à travers des scènes purement ­visuelles. A la lecture du livre, le cinéaste fut « frappé par le caractère scabreux des situations et la pureté de l'ensemble ». Son film réussit le même tour de force. Il évoque la discipline fervente d'une femme libre, décidée à « inventer l'amour ». Jeanne Moreau mord à pleines dents dans ce rôle d'égérie grave et gourmande. Cachée derrière le titre doublement masculin, elle est le pilier central de cet éblouissant chef-d’œuvre." Marine Landrot, Télérama

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