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Archives 2001-2011

KLUTE


de Alan J. Pakula



PROGRAMMATION JUIN-JUILLET 2007

USA, 1971, 1h54, VOSTF
Avec Roy Scheider, Jane Fonda, Donald Sutherland

Tom Gruneman a disparu depuis six mois. Le détective privé John Klute se rend à New York pour mener l’enquête. Seule piste fournie par la police : une call-girl à qui Tom aurait adressé des lettres obscènes. Klute s'installe dans le même immeuble qu'elle et, à l'aide d'une table d'écoute, enregistre ses conversations téléphoniques… Un suspense policier derrière lequel se dessine toute l’inquiétude d’une nation.


« Près de trente-cinq ans après son apparition, Klute est plus que jamais le document qui saisit les palpitations, les névroses et les balbutiements d’une époque en mutation. Il est aussi la preuve de l’incommensurable richesse du film de genre quand l’intuition d’un cinéaste le met en synchronisme avec son temps. »
Christian Viviani, Positif

« Dans l'Amérique puritaine, où dénuder un sein à l'écran revient à se vautrer dans le stupre, pas étonnant que Jane Fonda ait fait trembler les censeurs d'Hollywood ! Il faut dire que l'actrice rentre tout juste de France – le pays de la débauche aux yeux des Américains – où elle a incarné une sorte d' "icône érotique" en jouant Barbarella sous la direction de Roger Vadim… Elle sent le souffre… En interprétant une call-girl farouchement indépendante dans Klute, Jane affirme plus encore son statut de "femme libre" qui n'a pas besoin des hommes : elle vit seule, s'assume et ne cherche pas à faire de rencontre. Mais c'est surtout le franc-parler de la comédienne qui frappe : jamais on n'a entendu une femme parler de sexualité aussi librement au cinéma – aussi librement, en réalité, qu'un homme ! Et c'est bien cela qui choque l'Amérique conservatrice : comment un personnage féminin, prostituée de surcroît, ose-t-il évoquer des notions comme le plaisir ou l'orgasme ? Et pourtant, Jane Fonda dans Klute symbolise, au tout début de ces psychédéliques années 70, la libération sexuelle et l'émancipation des femmes. Ses tenues vestimentaires, sa coupe de cheveux, sa manière de se tenir ou de marcher, sa langue débarrassée des traditionnels euphémismes, ses yeux qui ne se baissent pas dès qu'un homme la dévisage – tout fait d'elle la vivante incarnation d'un pays qui change d'ère. »
Extrait du dossier de presse, Solaris Distribution

i[« S'agissant des plans longs, je pense que le montage est une ponctuation. Si quelqu'un utilise sans cesse les points virgules et les points d'exclamation, au moment où il a vraiment besoin d'un point d'exclamation, il ne peut plus le faire sentir. En ce sens, avant de tourner Klute, j'ai été très intéressé par le livre d'entretien de Hitchcock avec Truffaut : on ne coupe pas sans nécessité profonde. Parfois il faut violer cette loi pour des raisons pratiques, mais je déteste le faire. Dans Klute, il y avait une tentative pour mêler des styles différents : la technique documentaire chez le psychiatre ou dans la première chambre d'hôtel ou bien, à l'extrême opposé, la scène où [Jane Fonda] se déshabille devant le vieil homme. C'était une scène importante pour moi car elle montrait que ce qui en partie l'attirait dans son travail, elle qui n'avait sans doute pas eu d'enfance, c'était de se raconter des contes de fée, "II était une fois...", d'entrer dans un pays des merveilles, de se déguiser et d'en tirer une satisfaction enfantine. Lorsqu'elle entre dans cette pièce, je voulais donc un sentiment romantique et j'ai demandé au chef opérateur de retrouver le climat d'une "entrée" de Dietrich dans un film de Sternberg. (…) Au départ Klutea toutes les caractéristiques d'un policier des années 40. Pour moi, qui ai commencé à mettre en scène assez tard, ce qui m'attirait, c'était d'utiliser un genre à mes propres fins. Le pastiche ne m'intéressait pas mais au contraire, par le biais d'une forme classique, de faire une exploration contemporaine. Ce qui est merveilleux aussi dans le film de suspense, c'est qu'il vous permet la stylisation ou la théâtralisation, ce qui n'est pas possible dans des films plus simples comme The Sterile Cuckoo. Il y a aussi des personnages comme celui du tueur sadique que l'on n'avait jamais le temps d'expliquer verbalement mais que l'on pouvait dramatiser visuellement par sa présence derrière des glaces, son exclusion du décor. L'autre problème de Klute, c'est qu'il joue sur deux rythmes presque antithétiques, dont Hitchcock parle aussi à propos de ses films : comment concilier le rythme du suspense et le rythme de l'exploration d'un personnage, qui est beaucoup plus lent ? C'est pourquoi il est bon parfois d'utiliser un acteur connu qui, dès le premier plan, introduit un certain nombre de traits que l'on n'a pas besoin de développer. Dès que l'on voit Grace Kelly sur la plage avec ses lunettes de soleil dans La Main au collet, on a l'idée d'une jeune fille riche, belle et gâtée. Et c'est tout ce que l'on a à savoir d'elle. Dans Klute, qui se voulait l'exploration de Bree Daniels, il me fallait concilier les exigences de l'intrigue et cet approfondissement du personnage. Ce qui me fascinait en elle, c'était son irrépressible besoin de séduire, non pas tellement pour des raisons sexuelles que pour se rassurer, pour avoir le sentiment d'exercer un pouvoir. Elle aime un monde où elle n'a pas à éprouver de sentiments, ce qui est rassurant pour quelqu'un qui a peur d'être blessé. Mais ce besoin de séduire est aussi le trait tragique de son personnage qui fait d'elle une victime en puissance, la met en danger. Je pouvais ainsi dramatiser son problème dans le cadre d'une histoire policière et lier les deux rythmes – personnages et intrigue – qui n'étaient plus dès lors vraiment séparés. Cela ne m'aurait pas intéressé de faire Klutesi cela avait été l'histoire d'une fille qui marche dans la rue et qui est tuée accidentellement par un fou. »]i
Alan J. Pakula ; extraits d’un entretien par Michel Ciment, Positif n° 136

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