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L’AMOUR DE L’ACTRICE SUMAKO (JYOYU SUMAKO NO KOI)


de Kenji Mizoguchi



PROGRAMMATION AVRIL 2007

Japon, 1947, 1h35, VOSTF
Avec Kinuyo Tanaka, Soh Yamamura, Shin Tokudaiji, Sugisaku Aoyama

Le jeune écrivain Shimamura est à la recherche d'une comédienne pour jouer le rôle principal de la pièce d'Ibsen "La Maison de Poupée". Il rencontre alors Sumako, belle apprentie-comédienne et épouse insatisfaite. Tous deux tombent amoureux et Sumako triomphe à chaque représentation mais leurs rapports troublent la troupe... La rigueur du maître japonais se ressent ici par la mise en scène épurée et la construction du scénario qui ne laisse place à aucune fioriture. La délicate photographie met en valeur une direction d’acteurs impeccable.

« Monté en parallèle du projet concurrent de la Toho L'Actrice, L'Amour de l'actrice Sumako est une biographie romancée de la véritable Matsui Sumako (1886-1919). Une nouvelle occasion pour Mizoguchi de brosser le sensible portrait d'une femme forte – entièrement engagée à l'amour de son art et de son mari –, le cinéaste et son fidèle scénariste Yoshikata Yoda ne parviennent pourtant pas à rendre entièrement justice à leur modèle. Le directeur marié d'une compagnie de théâtre, Hogetsu Shimamura, tombe amoureux de la nouvelle recrue Matsui Sumako lors de la préparation de la pièce adaptée d'Ibsen, A Doll's House / La maison de poupées. Bravant les interdits et les racontars s'ensuivant leur relation commune, ils seront pourtant le pivot central de la création du mouvement de Théâtre Japonais Moderne, le shingeki. Femme engagée, Sumako avait été en avance sur son temps. Femme libérale, elle n'avait eu cure de la médisance et du mépris affichées par la rigide société japonaise n'acceptant pas l'officielle relation entre un homme marié et de sa maîtresse. Dévouée toute entière au théâtre, ses idées et son jeu d'acteur progressistes étaient tout d'abord rejetés par une population bousculée par la modernité de ses pièces adaptées occidentales ; ce n'est qu'après son suicide – au firmament de sa gloire et s'étant totalement identifiée à son dernier personnage interprétée, Carmen – que toute la répercussion de son travail en collaboration avec son amant a été mesurée. Mizoguchi détourne donc toute une partie de sa personnalité pour dresser le portrait d'une femme entièrement dévouée au travail de son mari. Respectant la logique de sa propre thématique poursuivie, qui était de brosser le portrait de femmes conditionnées par les hommes, le cinéaste se démarque par trop d'un personnage ayant véritablement vécu. (…) Reste une œuvre mineure dans la filmographie de son réalisateur aux qualités indéniables : outre sa thématique personnelle poursuivie, Mizoguchi rend un autre hommage appuyé à une forme d'art, ici l'avènement du théâtre japonais moderne, le shingeki. (…) Le couple dans le film ne semble jamais remettre en doute leur passion commune, mais certaines séquences laissent tout de même sous-entendre leur sacrifice au profit du seul théâtre. Mizoguchi, en lecteur vorace, devait certainement s'identifier aux œuvres de l'auteur norvégien : outre le fait, que le cinéaste était lui-même dévoré personnellement par sa passion de faire du cinéma, il partageait également le goût en commun avec le dramaturge concernant l'appréhension de la psychologie humaine. Connu pour être le ''Freud'' du théâtre, Ibsen s'intéressait notamment dans toute la dernière décennie de sa création à la profonde psychologie humaine. Mizoguchi, à travers principalement ses sensibles portraits de femmes, ne s'est pas lassé à disséquer leur difficile condition due la gente masculine et à la société en général. La mise en scène est soumise entièrement à l'intrigue ; si l'histoire est d'abord introduite par la présentation du personnage masculin, l'intrigue progressant établit définitivement l'actrice comme protagoniste principale. Les plans statiques et larges ne se rapprochent de Matsui que lorsqu'elle répète ou joue sur scène. Le choix d'opter dans un premier temps pour des cadrages très éloignés de la scène, quasiment aux derniers rangs du public, signifie évidemment la distanciation des spectateurs pour des spectacles peu familiers, avant de rendre compte de leur adhésion enthousiasmante. »
Bastian Meiresonne

SEANCES

mardi 27 mars à 20h30
vendredi 30 mars à 18h30
samedi 31 mars à 20h
dimanche 1er avril à 18h30