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Archives 2001-2011

LES FEMMES DE LA NUIT (YORU NO ONNATACHI)


de Kenji Mizoguchi



PROGRAMMATION AVRIL 2007

Japon, 1948, 1h13, VOSTF
Avec Kinuyo Tanaka, Sanae Takasugi, Kumeko Urabe

Fusako, une jeune veuve de guerre ayant également perdu son fils, tente tant bien que mal de survivre dans la difficile période de l'immédiat après-guerre. Refusant de recourir à l'argent facile en se prostituant, elle tombera finalement dans les mailles de la perversité du système de son époque… Les images sont criantes de vérité, les décors ultra-réalistes et les nombreux passages dramatiques à couper le souffle. Si Mizoguchi s'évertue à explorer toujours davantage ses thèmes de prédilection, jamais sa représentation n'a été - et ne sera - plus réaliste.

« Singulièrement ralenti dans son rythme de tournage par le manque d’argent et de personnel, il est tout à fait étonnant que le projet particulier de Mizoguchi ait abouti. Tout d’abord grâce au tour mesquin joué à l’auteur originel Eijiro Hisaita, à qui le cinéaste avait demandé d’adapter sa propre pièce de théâtre à succès, avant de la faire réécrire par Yoshikata Yoda. Ensuite par l’autorisation accordée par l’omniprésent Comité de Censure veillant au bien-fondé des réalisations. En effet, le résultat final se classe facilement parmi les œuvres les plus réalistes et dures de la période de l’après-guerre. Seul L’Ange Ivre d’Akira Kurosawa pouvait prétendre, comme dit précédemment, à une même représentation ultra-réaliste, inspirant certainement les futures œuvres engagées de Seijun Suzuki (La Barrière de chair) et de Kenji Fukasaku. En même temps, la mode était au pan-pan mono, des romans ou films traitant d’histoires de prostituées. Un courant ouvert par le roman La Porte de chair de Tamura Taijiro, mais se résumant la plupart de temps à de simples films d’exploitation sans grand intérêt. La population, dans sa perversion, aime à s’infliger d’autres horreurs en temps de malheur et ces produits étaient certainement une sorte d’exutoire à son profond traumatisme suite aux conséquences de la guerre. De nos jours, cette cruelle représentation – profondément pessimiste – du sort subi par les femmes dans l’après-guerre peut encore choquer. Elle se situerait apparemment loin de la vérité. D’après les histoires rapportées du tournage, une visite dans un hospice s’occupant de prostituées aurait été plus traumatisante que la scène se déroulant dans le film : des figures hagardes, des femmes toxicomanes en manque ou des prostituées battues à ne plus être reconnaissables. L’équipe de tournage avait également investi des lieux où forces militaires ou policières n’osaient plus mettre les pieds, conséquence d’un trop fort taux de criminalité. Les scènes de viol, de dépouillement ou de passage à tabac (...) n’étaient donc que monnaie courante à l’époque… L’audace d’un tel projet devait se révéler payante. Les images sont criantes de vérité, les décors ultra-réalistes et les nombreux passages dramatiques, à couper le souffle. Si Mizoguchi s’évertue à explorer toujours davantage ses thèmes de prédilection, jamais sa représentation n’a été – et ne sera – plus réaliste. Une nouvelle fois le portrait d’une femme, sa déchéance, est ici total. Veuve de guerre, Fusako est irrémédiablement condamnée suite à la mort de son mari. Seule dans un environnement hostile, elle ne peut survivre par ses propres moyens. Ses timides tentatives de s’en sortir se solderont par des échecs uniquement redevables à la seule méchanceté de son entourage. Cherchant à vendre les derniers vêtements qui lui restent, elle se fait gruger par un système uniquement basé sur la seule survie des individus (...). Explorant systématiquement ses thèmes de prédilection, rarement Mizoguchi avait été aussi véhément dans son propos. Il trouve la parfaite source d’inspiration pour ses histoires dans un décor de fin du monde, les terrains dévastés par la guerre. Scénario réécrit afin d’évincer le pur mélodrame, son film regorge pourtant de scènes du même type. Établissant le parfait équilibre et touchant juste, il réussit le tour de force de réaliser un pur chef-d’œuvre, loin de ses concessions futures à la conquête d’un public occidental et un poignant témoignage de la détresse d’une population entière au sortir de la guerre. »
Bastian Meiresonne, Eiga Go Go

SEANCES

dimanche 1er avril à 20h30
mardi 3 avril à 18h30
samedi 7 avril à 21h
dimanche 8 avril à 18h30