CINÉMA D'HIER ET AUJOURD'HUI • SEPTEMBRE 2016
Italie, 1966, 1h45, VOSTF
avec Lou Castel, Paola Pitagora, Marino Mase
NUM • VERSION RESTAURÉE
avec Lou Castel, Paola Pitagora, Marino Mase
NUM • VERSION RESTAURÉE
Perdu entre l’admiration de son frère Augusto qui rêve de départ et l’amour coupable qu’il voue à sa sœur Giulia, Alessandro, tente de détruire l’oppression familiale. Les Poings dans les poches marqua le début d'une radicalisation politique du cinéma italien. "Je dirais que votre cinéma appartient au cinéma de prose. En fait - naturellement je schématise - si nous voulions résumer en une formule ce qu’est ce film, on ne trouverait aucune des formules qui nous furent chères jusqu’ici. Pourrions-nous dire qu’il y a du néo-réalisme, que d’une certaine façon votre film est néo-réaliste ? Non. Vous êtes en dehors de ces formules. Le noyau de votre film est une sorte d’exaltation de l’anormal, de l’anormalité contre la norme de la vie bourgeoise, familiale. C’est une révolte rageuse de l’intérieur du monde bourgeois." Pier Paolo Pasolini
"S’il y a bien un premier long métrage dont on peut dire qu’il est le programme d’une œuvre à venir, c’est bien Les Poings dans les poches. La mère : c’est le grand sujet de Bellocchio, qu’il soit direct (Le Sourire de ma mère, 2002) ou indirect (Vincere, 2009, le film sur la maîtresse du Duce). Tout ou presque, dans son œuvre, signifie, à rebours de toutes les théories psy alors en vigueur, que le vrai problème n’est pas de tuer le père – parce qu’en général il meurt de lui-même – mais la mère. La mère, dans une société catholique, où la Vierge est souvent plus célébrée que le Christ, ce n’est pas rien.
La mère qui étouffe, qui tue le père – elle, en toute impunité –, qui inculque à ses enfants des valeurs religieuses et des comportements irrationnels. Bellocchio tournera sans cesse autour de ces liens familiaux ambigus, incestueux, y compris ceux entre frères et sœurs. Ce qui nous amène tout droit au second élément important de l’œuvre de Bellocchio : la folie des individus, des sociétés, de l’économie et de la politique. Enfin, Les Poings dans les poches marque aussi la découverte d’un acteur qui va devenir très important pour le cinéma européen : Lou Castel." Jean Baptiste Morain, Les Inrockuptibles
"Dans cette copie restaurée, les noirs et blancs explosent, rendant au film sa beauté plastique hyper léchée. Et si l’expressionnisme semble parfois un peu daté, les relations familiales sont rendues avec une telle subtilité qu’on l’oublie vite. Lors d’un dîner, par exemple, tableau de dynamiques familiales en panne qui confine au chef-d’œuvre, où les moindres détails, ces gouttes de café versées dans une soucoupe comme une aumône au frère cadet sont autant de bombes à retardement. Lors aussi de cette séquence dans un night-club, chorégraphiée au millimètre sur une musique jazzy de jeunes gens modernes, où chaque plan, dans sa manière d’associer les gestes des danseurs à la position du frère cadet, dit combien il est isolé, irrécupérable, absent, même à son époque. Qui, aujourd’hui, oserait faire ce film en regardant Sandro avec autant d’humanité ? Le profond malaise qu’on ressent à sa vision, et qui naît non seulement de ses crimes mais aussi de leur approbation tacite par les autres, fait entrevoir la stupeur qu’il a provoquée à l’époque. Pier Paolo Pasolini parla de «cinéma de poésie» et fit la distinction avec le «cinéma d’essai» de Bernardo Bertolucci, qui venait de réaliser, un an auparavant, Prima della Rivoluzione. Deux pierres blanches dans l’histoire du cinéma italien, qui ne se contentèrent pas de refléter leur époque, mais l’annoncèrent." Elisabeth Franck-Dumas, Libération
"1965 : Marco Bellocchio est un apprenti cinéaste de 26 ans, auteur d'une poignée de courts métrages, parti étudier à Londres, où il a notamment rédigé une thèse sur Antonioni et Bresson. De retour au pays, il emprunte de l'argent à son frère, réquisitionne la demeure familiale, près de Bobbio, dans les Apennins du Nord, et tourne dans ce paysage de montagne un premier film fulgurant en forme de charge contre la famille. Les Poings dans les poches « fait bouger quelque chose dans le cinéma italien », selon Bernardo Bertolucci : il divise ceux qui y voient une abomination (matricide, inceste) et ceux qui sont subjugués par sa mise en scène (un prix au festival de Locarno). Quarante-cinq ans plus tard, le film frappe encore. Pas seulement par sa superbe photo en noir et blanc et ses gros plans hyper expressifs, mais surtout par sa force vénéneuse, très dérangeante. Elle s'incarne en Alessandro, rebelle d'une famille en lente décomposition, bien décidé à faire sauter le verrou qui l'entrave. Lou Castel, qui débute ici et qu'on verra ensuite chez Garrel ou Fassbinder, lui prête son étrangeté, son imprévisibilité - mais pas sa voix, doublée en italien. Il est toujours en mouvement, une boule de haine, de mal-être. Paola Pitagora, qui joue sa soeur, n'est pas mal non plus en frustrée possessive, submergeant de lettres anonymes la fiancée de son frère aîné... S'agissait-il de la marmite pré-soixante-huitarde, prête à déborder ? Marco Bellocchio, jamais là où on l'attend, suggère que c'est d'abord dans son personnage, et pas seulement dans la famille, fût-elle oppressive, que se niche la folie. Il ne montre aucune tendresse, aucune indulgence pour ce héros monstrueux. Sa précision clinique annonce déjà les grands films à venir, du Saut dans le vide (un frère, une soeur, à nouveau) à Vincere." Aurélien Ferenczi, Télérama
"S’il y a bien un premier long métrage dont on peut dire qu’il est le programme d’une œuvre à venir, c’est bien Les Poings dans les poches. La mère : c’est le grand sujet de Bellocchio, qu’il soit direct (Le Sourire de ma mère, 2002) ou indirect (Vincere, 2009, le film sur la maîtresse du Duce). Tout ou presque, dans son œuvre, signifie, à rebours de toutes les théories psy alors en vigueur, que le vrai problème n’est pas de tuer le père – parce qu’en général il meurt de lui-même – mais la mère. La mère, dans une société catholique, où la Vierge est souvent plus célébrée que le Christ, ce n’est pas rien.
La mère qui étouffe, qui tue le père – elle, en toute impunité –, qui inculque à ses enfants des valeurs religieuses et des comportements irrationnels. Bellocchio tournera sans cesse autour de ces liens familiaux ambigus, incestueux, y compris ceux entre frères et sœurs. Ce qui nous amène tout droit au second élément important de l’œuvre de Bellocchio : la folie des individus, des sociétés, de l’économie et de la politique. Enfin, Les Poings dans les poches marque aussi la découverte d’un acteur qui va devenir très important pour le cinéma européen : Lou Castel." Jean Baptiste Morain, Les Inrockuptibles
"Dans cette copie restaurée, les noirs et blancs explosent, rendant au film sa beauté plastique hyper léchée. Et si l’expressionnisme semble parfois un peu daté, les relations familiales sont rendues avec une telle subtilité qu’on l’oublie vite. Lors d’un dîner, par exemple, tableau de dynamiques familiales en panne qui confine au chef-d’œuvre, où les moindres détails, ces gouttes de café versées dans une soucoupe comme une aumône au frère cadet sont autant de bombes à retardement. Lors aussi de cette séquence dans un night-club, chorégraphiée au millimètre sur une musique jazzy de jeunes gens modernes, où chaque plan, dans sa manière d’associer les gestes des danseurs à la position du frère cadet, dit combien il est isolé, irrécupérable, absent, même à son époque. Qui, aujourd’hui, oserait faire ce film en regardant Sandro avec autant d’humanité ? Le profond malaise qu’on ressent à sa vision, et qui naît non seulement de ses crimes mais aussi de leur approbation tacite par les autres, fait entrevoir la stupeur qu’il a provoquée à l’époque. Pier Paolo Pasolini parla de «cinéma de poésie» et fit la distinction avec le «cinéma d’essai» de Bernardo Bertolucci, qui venait de réaliser, un an auparavant, Prima della Rivoluzione. Deux pierres blanches dans l’histoire du cinéma italien, qui ne se contentèrent pas de refléter leur époque, mais l’annoncèrent." Elisabeth Franck-Dumas, Libération
"1965 : Marco Bellocchio est un apprenti cinéaste de 26 ans, auteur d'une poignée de courts métrages, parti étudier à Londres, où il a notamment rédigé une thèse sur Antonioni et Bresson. De retour au pays, il emprunte de l'argent à son frère, réquisitionne la demeure familiale, près de Bobbio, dans les Apennins du Nord, et tourne dans ce paysage de montagne un premier film fulgurant en forme de charge contre la famille. Les Poings dans les poches « fait bouger quelque chose dans le cinéma italien », selon Bernardo Bertolucci : il divise ceux qui y voient une abomination (matricide, inceste) et ceux qui sont subjugués par sa mise en scène (un prix au festival de Locarno). Quarante-cinq ans plus tard, le film frappe encore. Pas seulement par sa superbe photo en noir et blanc et ses gros plans hyper expressifs, mais surtout par sa force vénéneuse, très dérangeante. Elle s'incarne en Alessandro, rebelle d'une famille en lente décomposition, bien décidé à faire sauter le verrou qui l'entrave. Lou Castel, qui débute ici et qu'on verra ensuite chez Garrel ou Fassbinder, lui prête son étrangeté, son imprévisibilité - mais pas sa voix, doublée en italien. Il est toujours en mouvement, une boule de haine, de mal-être. Paola Pitagora, qui joue sa soeur, n'est pas mal non plus en frustrée possessive, submergeant de lettres anonymes la fiancée de son frère aîné... S'agissait-il de la marmite pré-soixante-huitarde, prête à déborder ? Marco Bellocchio, jamais là où on l'attend, suggère que c'est d'abord dans son personnage, et pas seulement dans la famille, fût-elle oppressive, que se niche la folie. Il ne montre aucune tendresse, aucune indulgence pour ce héros monstrueux. Sa précision clinique annonce déjà les grands films à venir, du Saut dans le vide (un frère, une soeur, à nouveau) à Vincere." Aurélien Ferenczi, Télérama
Séances
vendredi 16/09 18:30 - - lundi 19/09 20:30 - - mercredi 21/09 18:30
vendredi 23/09 20:30 - - dimanche 25/09 18:30
> Ne manquez pas, samedi 17 septembre à 21:00, l'avant-première de Fais de beaux rêves, le dernier film de Marco Bellocchio, à l'occasion de la reprise de la Quinzaine des réalisateurs.
vendredi 23/09 20:30 - - dimanche 25/09 18:30
> Ne manquez pas, samedi 17 septembre à 21:00, l'avant-première de Fais de beaux rêves, le dernier film de Marco Bellocchio, à l'occasion de la reprise de la Quinzaine des réalisateurs.