PROGRAMMATION AVRIL 2007
France, 1993, 52 min, documentaire
PARTIE 1 : OMBRE SUR LA VILLE
France, 1989, 1h20, documentaire
PARTIE 2 : COUP DE MISTRAL
France, 1989, 1h20, documentaire
Premier opus, à l’occasion des municipales de 1989, de la série des sept films réalisés par Jean-Louis Comolli avec Michel Samson, Marseille de père en fils radiographie un paysage politique en pleine recomposition au lendemain de la mort de Gaston Deferre, une ''ville expérimentale'' où s’essaient les pratiques politiques.
« Nous avons commencé à filmer la vie politique marseillaise en 1989. Une élection municipale. Celle qui devait décider de la relève de Gaston Defferre, mort deux ans plus tôt. Marseille de père en fils ? Héritage impossible ! Pourquoi ? L'ombre de Defferre écrasait tout – et d'abord le Parti Socialiste. Elle empêchait de voir à quel point la ville avait changé. Deux scènes se partageaient le film – le clivaient : celle de la lutte à mort des héritiers socialistes de Gaston Deferre (Pezet, Vigouroux, Weygand, Sanmarco) ; celle de Marseillaises et de Marseillais qui, à l'écart et même dans l'ignorance du combat politique, poursuivaient leur rêve de Marseille. Pour la plupart, ces personnages étaient d'anciens ou de nouveaux migrants marseillais : Arméniens et Algériens. De tels personnages avaient pour nous toute leur nécessité, précisément parce que l'histoire que nous racontions – celle de l'impossible héritage des pères-héros, ou si l'on veut, du début de la décomposition du parti socialiste (du socialisme en France) – se faisait sans eux, en leur supposée absence. Pendant que Jean-Claude Gaudin, mal remis de ses compositions avec le Front National s'interrogeait sur sa défaite, pendant que le mystérieux Robert Vigouroux triomphait sur tous les fronts, Madame Maaskri allait allumer un cierge à Notre Dame de la Garde ; des Arméniens montraient fièrement l'église qu'ils avaient bâtie de leurs mains ; Madame Slimani partait à la conquête de la cité, au nom du commerce triomphant et de ce qu'elle appelait "le mélange", mélange des origines, des histoires, des coutumes, des drames. Le film faisait apercevoir que diriger Marseille est difficile à cause du patchwork des communautés, de ces nouveaux arrivants qui, peut-être parce qu'ils ne peuvent pas encore hériter de l'histoire de la ville, l'écrivent à leur façon, avec l'espoir d'en faire hériter leurs enfants. Il y a là des mouvements de population qui laissent les politiques désarmés. Dans un système fortement clientéliste, quand tout bouge, comment constituer ou reconstituer des réseaux ? La lutte à mort entre les héritiers de Gaston Defferre — Robert Vigouroux, le "bon docteur" et Michel Pezet, le "mauvais fils" — disait le désarroi des socialistes devant une ville qui leur échappait. C'est à Marseille, avant le congrès de Rennes, que le Parti Socialiste a entamé son processus de division, que les clans rivaux, apparus au grand jour, ont montré jusqu'où ils pouvaient aller dans la violence destructrice. Une fois de plus, Marseille était aux avant-postes, sorte de zone franche, de "ville expérimentale" où s'essaient les pratiques politiques qui s'étendront ensuite à toute la France. »
Jean-Louis Comolli, Michel Samson, Rétrospective de la série, Centre Pompidou, novembre 2003
« Toute campagne électorale a des allures de drame et offre, par sa nature particulière, un cadre et une trame de choix au cinéaste qui ne renonce pas à raconter une histoire : une unité de lieu, de temps et d'action, des personnages qui s'affrontent, des rebondissements, voire des revirements. Cet épisode essentiel, qui rythme, consacre et condense la vie politique de nos sociétés, a pris un singulier relief lors de la campagne des élections municipales de 1989 à Marseille. La succession de Gaston Defferre, qui a régné sur la ville de 1953 à 1986, aiguise alors les ambitions et les conflits, en particulier au sein de la famille politique, déchirée, du maire défunt. Marseille de père en fils 1 nous raconte cette campagne électorale hors du commun, en campe les enjeux, en présente les principaux protagonistes. L'originalité du film tient, entre autres, à la superposition de deux types de temporalité : le temps court de la campagne électorale, avec ses meetings, ses visites, ses inaugurations de circonstance ; le temps long des souvenirs personnels et des réflexions des hommes politiques sur leur ville. À cette fin les candidats ont été filmés délibérément dans le décor de leur vie privée avec l'assurance que leurs propos ne seraient pas diffusés avant les élections. On mesure alors, par ce jeu d'aller-retour, le décalage entre une parole et des comportements saisis dans l'intimité et les règles de l'apparition en public (…). Si le film met en évidence cet écart, il nous montre aussi, à travers et au-delà des personnages, des composantes essentielles de la vie politique marseillaise : l'importance des réseaux de connaissance et de clientèle (…) ; les règles de bienséance locale de ''fabrication'' d'un leader politique (dans un long monologue, Charles-Emile Loo, ancien compagnon de Gaston Defferre, en détaille le ''bon usage'') ; enfin, le poids des communautés ethniques (arménienne, juive, arabe, corse...) et des groupes professionnels dans le processus de mobilisation électorale (…). Ce riche document d'ethnologie politique soulève deux questions de fond qui se télescopent : celle des contraintes cinématographiques et des choix qui en découlent ou les accompagnent ; celle du contraste entre les performances des personnages à l'écran et sur le plan électoral. (…) Le film Marseille de père en fils tente de renverser les règles de l'apparition publique des hommes politiques. Ou plus précisément, ses auteurs se sont-ils fixé cet (ambitieux) objectif alors même qu'ils allaient tourner dans la ville la plus filmée de France, cette cité saturée d'images et de discours, à propos de laquelle chacun dispose d'un stock de représentations mentales impressionnant. Autant dire qu'il fallait, pour le réaliser, inventer une méthode et/ou quelques trucs qui forceraient ces politiques à mauvaise réputation à sortir des images battues. »
Jean-Louis Comolli et Michel Samson, « Marseille de père en fils, filmer les hommes politiques », Terrain n° 15, octobre 1990
Premier opus, à l’occasion des municipales de 1989, de la série des sept films réalisés par Jean-Louis Comolli avec Michel Samson, Marseille de père en fils radiographie un paysage politique en pleine recomposition au lendemain de la mort de Gaston Deferre, une ''ville expérimentale'' où s’essaient les pratiques politiques.
« Nous avons commencé à filmer la vie politique marseillaise en 1989. Une élection municipale. Celle qui devait décider de la relève de Gaston Defferre, mort deux ans plus tôt. Marseille de père en fils ? Héritage impossible ! Pourquoi ? L'ombre de Defferre écrasait tout – et d'abord le Parti Socialiste. Elle empêchait de voir à quel point la ville avait changé. Deux scènes se partageaient le film – le clivaient : celle de la lutte à mort des héritiers socialistes de Gaston Deferre (Pezet, Vigouroux, Weygand, Sanmarco) ; celle de Marseillaises et de Marseillais qui, à l'écart et même dans l'ignorance du combat politique, poursuivaient leur rêve de Marseille. Pour la plupart, ces personnages étaient d'anciens ou de nouveaux migrants marseillais : Arméniens et Algériens. De tels personnages avaient pour nous toute leur nécessité, précisément parce que l'histoire que nous racontions – celle de l'impossible héritage des pères-héros, ou si l'on veut, du début de la décomposition du parti socialiste (du socialisme en France) – se faisait sans eux, en leur supposée absence. Pendant que Jean-Claude Gaudin, mal remis de ses compositions avec le Front National s'interrogeait sur sa défaite, pendant que le mystérieux Robert Vigouroux triomphait sur tous les fronts, Madame Maaskri allait allumer un cierge à Notre Dame de la Garde ; des Arméniens montraient fièrement l'église qu'ils avaient bâtie de leurs mains ; Madame Slimani partait à la conquête de la cité, au nom du commerce triomphant et de ce qu'elle appelait "le mélange", mélange des origines, des histoires, des coutumes, des drames. Le film faisait apercevoir que diriger Marseille est difficile à cause du patchwork des communautés, de ces nouveaux arrivants qui, peut-être parce qu'ils ne peuvent pas encore hériter de l'histoire de la ville, l'écrivent à leur façon, avec l'espoir d'en faire hériter leurs enfants. Il y a là des mouvements de population qui laissent les politiques désarmés. Dans un système fortement clientéliste, quand tout bouge, comment constituer ou reconstituer des réseaux ? La lutte à mort entre les héritiers de Gaston Defferre — Robert Vigouroux, le "bon docteur" et Michel Pezet, le "mauvais fils" — disait le désarroi des socialistes devant une ville qui leur échappait. C'est à Marseille, avant le congrès de Rennes, que le Parti Socialiste a entamé son processus de division, que les clans rivaux, apparus au grand jour, ont montré jusqu'où ils pouvaient aller dans la violence destructrice. Une fois de plus, Marseille était aux avant-postes, sorte de zone franche, de "ville expérimentale" où s'essaient les pratiques politiques qui s'étendront ensuite à toute la France. »
Jean-Louis Comolli, Michel Samson, Rétrospective de la série, Centre Pompidou, novembre 2003
« Toute campagne électorale a des allures de drame et offre, par sa nature particulière, un cadre et une trame de choix au cinéaste qui ne renonce pas à raconter une histoire : une unité de lieu, de temps et d'action, des personnages qui s'affrontent, des rebondissements, voire des revirements. Cet épisode essentiel, qui rythme, consacre et condense la vie politique de nos sociétés, a pris un singulier relief lors de la campagne des élections municipales de 1989 à Marseille. La succession de Gaston Defferre, qui a régné sur la ville de 1953 à 1986, aiguise alors les ambitions et les conflits, en particulier au sein de la famille politique, déchirée, du maire défunt. Marseille de père en fils 1 nous raconte cette campagne électorale hors du commun, en campe les enjeux, en présente les principaux protagonistes. L'originalité du film tient, entre autres, à la superposition de deux types de temporalité : le temps court de la campagne électorale, avec ses meetings, ses visites, ses inaugurations de circonstance ; le temps long des souvenirs personnels et des réflexions des hommes politiques sur leur ville. À cette fin les candidats ont été filmés délibérément dans le décor de leur vie privée avec l'assurance que leurs propos ne seraient pas diffusés avant les élections. On mesure alors, par ce jeu d'aller-retour, le décalage entre une parole et des comportements saisis dans l'intimité et les règles de l'apparition en public (…). Si le film met en évidence cet écart, il nous montre aussi, à travers et au-delà des personnages, des composantes essentielles de la vie politique marseillaise : l'importance des réseaux de connaissance et de clientèle (…) ; les règles de bienséance locale de ''fabrication'' d'un leader politique (dans un long monologue, Charles-Emile Loo, ancien compagnon de Gaston Defferre, en détaille le ''bon usage'') ; enfin, le poids des communautés ethniques (arménienne, juive, arabe, corse...) et des groupes professionnels dans le processus de mobilisation électorale (…). Ce riche document d'ethnologie politique soulève deux questions de fond qui se télescopent : celle des contraintes cinématographiques et des choix qui en découlent ou les accompagnent ; celle du contraste entre les performances des personnages à l'écran et sur le plan électoral. (…) Le film Marseille de père en fils tente de renverser les règles de l'apparition publique des hommes politiques. Ou plus précisément, ses auteurs se sont-ils fixé cet (ambitieux) objectif alors même qu'ils allaient tourner dans la ville la plus filmée de France, cette cité saturée d'images et de discours, à propos de laquelle chacun dispose d'un stock de représentations mentales impressionnant. Autant dire qu'il fallait, pour le réaliser, inventer une méthode et/ou quelques trucs qui forceraient ces politiques à mauvaise réputation à sortir des images battues. »
Jean-Louis Comolli et Michel Samson, « Marseille de père en fils, filmer les hommes politiques », Terrain n° 15, octobre 1990
SEANCES
PARTIE 1
vendredi 20 avril à 19h
PARTIE 2
vendredi 20 avril à 21h
vendredi 20 avril à 19h
PARTIE 2
vendredi 20 avril à 21h