PROGRAMMATION JANVIER 2010
USA, 1998, 2h15,VOSTF
Avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss
Avec Keanu Reeves, Laurence Fishburne, Carrie-Anne Moss
Dans un monde où tout ce qui semble réel est en fait laboré par l'univers électronique baptisé la Matrice, Néo, un programmeur, est contacté par un certain Morpheus. D'après lui, Néo serait le Libérateur tant attendu, le seul capable de mettre en échec l'omnipotence de la Matrice et rendre ses droits à la réalité...
« N’as-tu jamais fait un rêve dont tu étais persuadé qu’il était réel ? Et si tu étais incapable de te réveiller d’un tel rêve, comment saurais-tu faire la différence entre le monde du rêve et le monde réel ? », « Qu’est -ce que le « réel » ? Comment définis-tu le « réel » ? Si tu parles de ce que tu peux ressentir, sentir, goûter et voir, alors le « réel » n’est fait que de signaux électriques qu’interprète ton cerveau. »… Ces phrases ne sont pas tirées d’un dialogue de Platon ou de Berkeley, ni des Méditations métaphysiques de Descartes, ni même de La Conscience expliquée de Daniel Dennett, mais d’un blockbuster couronné de succès : The Matrix.
Ses réalisateurs, Andy et Larry Wachowski, ont en effet voulu faire mentir le préjugé selon lequel les films d’action populaires seraient nécessairement des films vulgaires au scénario suffisamment primaire pour qu’on n’ait pas besoin d’un cerveau pour les regarder. Relevant le défi un jour lancé par le New York Times qui réclamait des « films d’action bruyants, stupides et prévisibles », les frères Wachowski prétendent avoir créé un « film d’action intellectuel » dont ils résument fièrement l’intrigue ainsi : « un film de kung-fu qui commente la dialectique hégélienne en montrant un type qui vole dans les airs et arrête les balles de revolver ». À en juger par le succès du film, par le nombre de sites et de blogs amateurs qui se sont créés à son sujet et par la littérature consacrée aux aspects philosophiques de la trilogie qui ne cesse de s’étoffer, le pari fut gagné puisque le film a provoqué de multiples réflexions chez un grand nombre de personnes, au point de devenir outre-Atlantique une référence classique des cours d’introduction à la philosophie et de constituer l’un des déclencheurs de l’expansion récente mais puissante d’un nouveau domaine philosophique spécialisé, la philosophie du cinéma (philosophy of film).
Parmi les nombreux problèmes philosophiques que le film permet d’aborder figure une des analogies récurrentes de la pensée du cinéma, celle qui compare films et rêves. L’exposé visera d’abord à montrer que le film des frères Wachowski est en effet conçu pour suggérer au spectateur que sa situation est analogue à celle des hommes prisonniers des machines qui croient vivre une réalité qu’ils ne font que rêver. Cette situation n’est pas sans rappeler celle des prisonniers de la caverne de Platon, ce que l’on n’a pas manqué de relever à plusieurs reprises.
Cependant, on a moins été attentif au fait que ces situations avaient déjà été rapprochées dans plusieurs textes des années 1970, dont l’influence a été très grande sur les film studies américaines, le premier d’entre eux, « Le dispositif » de Baudry, visant à justifier la pertinence de l’analogie entre film et rêve pour pouvoir en induire que le plaisir pris au cinéma serait en fait identique au plaisir pris à rêver, dans la mesure où il s’agirait dans les deux cas de satisfaire un désir régressif de retour dans le ventre maternel, dans la « matrice ».
Que cette interprétation psychanalytique du rêve soit aujourd’hui contestée ne signifie pas nécessairement que l’analogie n’ait pas sa pertinence comme le montre l’usage qu’en fait un philosophe cognitiviste, peu enclin à la psychanalyse, comme Colin McGinn dans son livre récent, The Power of Movies. How Screen and Mind Interact (2005).
Le projet visera donc ensuite à interroger la valeur de cette analogie pour elle-même en cherchant à en souligner les mérites, mais aussi les limites. On espèrera avoir ainsi montré que les films, à défaut de pouvoir « faire de la philosophie » comme certains le soutiennent aujourd’hui, peuvent au moins servir à initier les spectateurs à des théories et aussi conduire à poser d’authentiques problèmes philosophiques, comme celui de la nature de nos expériences de spectateurs de cinéma.
« N’as-tu jamais fait un rêve dont tu étais persuadé qu’il était réel ? Et si tu étais incapable de te réveiller d’un tel rêve, comment saurais-tu faire la différence entre le monde du rêve et le monde réel ? », « Qu’est -ce que le « réel » ? Comment définis-tu le « réel » ? Si tu parles de ce que tu peux ressentir, sentir, goûter et voir, alors le « réel » n’est fait que de signaux électriques qu’interprète ton cerveau. »… Ces phrases ne sont pas tirées d’un dialogue de Platon ou de Berkeley, ni des Méditations métaphysiques de Descartes, ni même de La Conscience expliquée de Daniel Dennett, mais d’un blockbuster couronné de succès : The Matrix.
Ses réalisateurs, Andy et Larry Wachowski, ont en effet voulu faire mentir le préjugé selon lequel les films d’action populaires seraient nécessairement des films vulgaires au scénario suffisamment primaire pour qu’on n’ait pas besoin d’un cerveau pour les regarder. Relevant le défi un jour lancé par le New York Times qui réclamait des « films d’action bruyants, stupides et prévisibles », les frères Wachowski prétendent avoir créé un « film d’action intellectuel » dont ils résument fièrement l’intrigue ainsi : « un film de kung-fu qui commente la dialectique hégélienne en montrant un type qui vole dans les airs et arrête les balles de revolver ». À en juger par le succès du film, par le nombre de sites et de blogs amateurs qui se sont créés à son sujet et par la littérature consacrée aux aspects philosophiques de la trilogie qui ne cesse de s’étoffer, le pari fut gagné puisque le film a provoqué de multiples réflexions chez un grand nombre de personnes, au point de devenir outre-Atlantique une référence classique des cours d’introduction à la philosophie et de constituer l’un des déclencheurs de l’expansion récente mais puissante d’un nouveau domaine philosophique spécialisé, la philosophie du cinéma (philosophy of film).
Parmi les nombreux problèmes philosophiques que le film permet d’aborder figure une des analogies récurrentes de la pensée du cinéma, celle qui compare films et rêves. L’exposé visera d’abord à montrer que le film des frères Wachowski est en effet conçu pour suggérer au spectateur que sa situation est analogue à celle des hommes prisonniers des machines qui croient vivre une réalité qu’ils ne font que rêver. Cette situation n’est pas sans rappeler celle des prisonniers de la caverne de Platon, ce que l’on n’a pas manqué de relever à plusieurs reprises.
Cependant, on a moins été attentif au fait que ces situations avaient déjà été rapprochées dans plusieurs textes des années 1970, dont l’influence a été très grande sur les film studies américaines, le premier d’entre eux, « Le dispositif » de Baudry, visant à justifier la pertinence de l’analogie entre film et rêve pour pouvoir en induire que le plaisir pris au cinéma serait en fait identique au plaisir pris à rêver, dans la mesure où il s’agirait dans les deux cas de satisfaire un désir régressif de retour dans le ventre maternel, dans la « matrice ».
Que cette interprétation psychanalytique du rêve soit aujourd’hui contestée ne signifie pas nécessairement que l’analogie n’ait pas sa pertinence comme le montre l’usage qu’en fait un philosophe cognitiviste, peu enclin à la psychanalyse, comme Colin McGinn dans son livre récent, The Power of Movies. How Screen and Mind Interact (2005).
Le projet visera donc ensuite à interroger la valeur de cette analogie pour elle-même en cherchant à en souligner les mérites, mais aussi les limites. On espèrera avoir ainsi montré que les films, à défaut de pouvoir « faire de la philosophie » comme certains le soutiennent aujourd’hui, peuvent au moins servir à initier les spectateurs à des théories et aussi conduire à poser d’authentiques problèmes philosophiques, comme celui de la nature de nos expériences de spectateurs de cinéma.
SEANCE UNIQUE
Jeudi 28 janvier à 20h30
INTERVENANT :
Hugo Clémot est agrégé de philosophie, et il enseigne depuis 2001 en lycée général et technologique. Il prépare actuellement une thèse sur Wittgenstein et la philosophie analytique du cinéma.
INTERVENANT :
Hugo Clémot est agrégé de philosophie, et il enseigne depuis 2001 en lycée général et technologique. Il prépare actuellement une thèse sur Wittgenstein et la philosophie analytique du cinéma.