CINÉMA D'HIER ET AUJOURD'HUI • FÉVRIER - AVRIL 2017
Philippines, 1975, 1h40, VOSTF
avec Bembol Rocco, Hilda Koronel
NUM • VERSION RESTAURÉE
avec Bembol Rocco, Hilda Koronel
NUM • VERSION RESTAURÉE
Ligaya quitte sa campagne pour Manille, espérant y trouver une vie meilleure. Sans nouvelles, son fiancé Julio, un jeune pêcheur, décide de l’y rejoindre. Pour survivre dans cette capitale tentaculaire, il se fait embaucher comme ouvrier sur un chantier. Mais il ne tarde pas à découvrir l’exploitation des hommes, les bidonvilles, les réseaux de prostitution… "Il reste sans aucun doute plusieurs personnes qui se souviennent encore de ce jour-là, au Festival de Cannes 1978, lorsque des rumeurs ont commencé à circuler sur un film à faible budget des Philippines. Lino était l’un des cinéastes les plus physiques que le cinéma ait jamais eus. Une véritable boule de feu. Il connaissait toutes les artères de cette ville grouillante, et il les infiltra comme il le fit avec les marginaux et les parias. Quand vous regardez Manille, vous êtes brûlés par une flamme qui ne s’éteint jamais." Pierre Rissient
"Dans Manille, c’est la trajectoire dans la capitale d’un jeune candide que l’on suit. Comme le laisse pressentir sa structure en flash-backs, le pire est déjà survenu lorsque débute Manille. Julio est déjà sans le sou, livré à lui-même dans la capitale où il est venu rejoindre Ligaya, sa fiancée disparue interprétée, par la splendide Hilda Koronel.
Introuvable dans les rues de la capitale où elle est venue tenter sa chance quelques mois plus tôt, la jeune fille n’apparaît d’abord que dans des songes éveillés. Ces réminiscences idéalisées qui surgissent dans la conscience du garçon montrent un corps plein de grâce, déambulant au loin sur les plages paradisiaques de leur village de pêcheurs. La courte focale, les couleurs délavées de la pellicule Eastmancolor et la musique sirupeuse qui les accompagne donnent à ces souvenirs des allures de telenovelas, dont l’onirisme presque mièvre tranche avec les deux versants bien plus sombres qui se disputent au sein du film : le mélodrame et le réalisme social. Si Ligaya n’apparaît d’abord que sous cette forme spectrale, c’est sans doute pour annoncer le destin inexorable qui l’attend. Chaque nouvelle mésaventure du jeune homme dans la capitale peut en effet se lire comme le redoublement du parcours malchanceux de la jeune femme. Chaque échec rend les heureuses retrouvailles plus lointaines et improbables. La fidélité de Julio à son amour de jeunesse s’approche de la foi, à tel point que lorsqu’il finira par en retrouver l’objet, ce sera dans le silence et l’obscurité d’une église. Mais point de sacré dans la grande ville dont les enseignes lumineuses appellent, la nuit, à tous les vices.
Car ce qui intéresse Lino Brocka, c’est d’ancrer le destin tragique du couple dans une traversée documentaire à la rencontre des laissés pour compte de la modernisation de Manille. Avant de retrouver Ligaya, Julio devra traverser un monde sans femmes. Celui, d’abord, du prolétariat qui souffre sur les chantiers des grandes constructions, signe d’une modernisation de la ville à laquelle ils ne seront pas invités. Proches de l’esclavage, leurs conditions de travail les soumettent au bon vouloir d’un patron qui multiplie les horaires de travail à sa guise autant qu’il soustrait aux salaires des taxes fantaisistes. Licencié de cet emploi peu enviable, Julio découvrira un autre monde exclusivement masculin, celui de la prostitution. Dans Insiang, les hommes étaient veules, lâches et oisifs, tirant profit par la violence du corps ou des biens des femmes. Bien au contraire, dans les rues de Manille, Julio rencontre une communauté d’ouvriers industrieux et solidaires. Les esclaves modernes, du bâtiment ou du sexe, partagent volontiers leur misère, offrant au plus démuni qu’eux un repas ou un coin pour dormir dans un bidonville aux relents d’égouts. Mais rester en vie s’avère aléatoire sur ces projets immobiliers où les conditions de sécurité sont accessoires et où s’opposer au contremaître peut s’avérer mortel, et les morts soudaines des compagnons de Julio sonnent comme des avertissements pour sa propre existence." Raphaëlle Pireyre, Critikat
"Dans Manille, c’est la trajectoire dans la capitale d’un jeune candide que l’on suit. Comme le laisse pressentir sa structure en flash-backs, le pire est déjà survenu lorsque débute Manille. Julio est déjà sans le sou, livré à lui-même dans la capitale où il est venu rejoindre Ligaya, sa fiancée disparue interprétée, par la splendide Hilda Koronel.
Introuvable dans les rues de la capitale où elle est venue tenter sa chance quelques mois plus tôt, la jeune fille n’apparaît d’abord que dans des songes éveillés. Ces réminiscences idéalisées qui surgissent dans la conscience du garçon montrent un corps plein de grâce, déambulant au loin sur les plages paradisiaques de leur village de pêcheurs. La courte focale, les couleurs délavées de la pellicule Eastmancolor et la musique sirupeuse qui les accompagne donnent à ces souvenirs des allures de telenovelas, dont l’onirisme presque mièvre tranche avec les deux versants bien plus sombres qui se disputent au sein du film : le mélodrame et le réalisme social. Si Ligaya n’apparaît d’abord que sous cette forme spectrale, c’est sans doute pour annoncer le destin inexorable qui l’attend. Chaque nouvelle mésaventure du jeune homme dans la capitale peut en effet se lire comme le redoublement du parcours malchanceux de la jeune femme. Chaque échec rend les heureuses retrouvailles plus lointaines et improbables. La fidélité de Julio à son amour de jeunesse s’approche de la foi, à tel point que lorsqu’il finira par en retrouver l’objet, ce sera dans le silence et l’obscurité d’une église. Mais point de sacré dans la grande ville dont les enseignes lumineuses appellent, la nuit, à tous les vices.
Car ce qui intéresse Lino Brocka, c’est d’ancrer le destin tragique du couple dans une traversée documentaire à la rencontre des laissés pour compte de la modernisation de Manille. Avant de retrouver Ligaya, Julio devra traverser un monde sans femmes. Celui, d’abord, du prolétariat qui souffre sur les chantiers des grandes constructions, signe d’une modernisation de la ville à laquelle ils ne seront pas invités. Proches de l’esclavage, leurs conditions de travail les soumettent au bon vouloir d’un patron qui multiplie les horaires de travail à sa guise autant qu’il soustrait aux salaires des taxes fantaisistes. Licencié de cet emploi peu enviable, Julio découvrira un autre monde exclusivement masculin, celui de la prostitution. Dans Insiang, les hommes étaient veules, lâches et oisifs, tirant profit par la violence du corps ou des biens des femmes. Bien au contraire, dans les rues de Manille, Julio rencontre une communauté d’ouvriers industrieux et solidaires. Les esclaves modernes, du bâtiment ou du sexe, partagent volontiers leur misère, offrant au plus démuni qu’eux un repas ou un coin pour dormir dans un bidonville aux relents d’égouts. Mais rester en vie s’avère aléatoire sur ces projets immobiliers où les conditions de sécurité sont accessoires et où s’opposer au contremaître peut s’avérer mortel, et les morts soudaines des compagnons de Julio sonnent comme des avertissements pour sa propre existence." Raphaëlle Pireyre, Critikat
Séances
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lundi 20/03 20:30 - - mardi 21/03 18:00
lundi 20/03 20:30 - - mardi 21/03 18:00