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Archives 2001-2011

NOTRE PAIN QUOTIDIEN


de Nikolaus Geyrhalter



PROGRAMMATION JUIN-JUILLET 2007

Autriche, 2005, 1h32, VOSTF, documentaire

Notre pain quotidien ouvre une fenêtre sur l'industrie alimentaire de nos civilisations occidentales modernes. Réponse à notre sur-consommmation, la productivité nous a éloigné d'une réalité humaine pour entrer dans une démesure ultra-intensive qui a rejoint les descriptions des romans d'anticipation. Cadrages minutieusement composés, images cristallines, montage fluide construisent un film sans commentaire, sans propagande, dont les images parlent et demeurent. Notre Pain Quotidien questionne, inquiète et fascine.


« Voici un titre biblique, Notre pain quotidien, déjà utilisé par King Vidor et Slatan Dodow. Voici un film qui met en perspective la place et le rôle de l’homme sur la planète, un film pour lequel Nikolaus Geyrhalter a planté sa caméra dans différentes entreprises européennes de production alimentaire. "Planté" est le mot qui convient, car chaque lieu, soigneusement choisi, fait l’objet de plans longs et fixes : les séquences (préparation, cueillettes, abattages, transport) prennent des allures de rituels dont les victimes sont toutes espèces autres que l’homme. On en a vu, au cinéma, des films évoquant les abattoirs : ceux de Vaugirard et de La Villette, dans le célèbre Sang des bêtes (1949) de Georges Franju, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, où s’exerce une force barbare inconsciente d’elle-même. Avec Hud (Le Plus sauvage d’entre tous, 1963) de Martin Ritt, cette barbarie est vécue de façon honteuse, et le massacre d’un troupeau de vaches malades est traité d’un point de vue humaniste et empathique. Avec Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (1974), l’abattoir devient pure métaphore, mais ce cycle historique est sans doute en train de se clore. Notre pain quotidien décrit aujourd’hui une mise à mort à peine considérée comme telle, distanciée qu’elle est par l’automatisation et l’industrialisation. Le recours fréquent du film à des plans symétriques accentue l’allure de cérémonial totalitaire des processus de production. L’horreur qu’inspire d’abord le destin des poussins et des vaches s’étend, par contagion, aux espèces végétales. Que Nikolaus Geyrhalter en vienne à ce qu’un avion d’épandage au-dessus de tournesols produise un effet inquiétant peut encore passer pour un clin d’œil badin à La Mort aux trousses. Qu’il obtienne le même effet en montrant simplement un cageot de pommes sur un tapis roulant dénote le pouvoir de son écriture répétitive. Et que, dessus les collines, en toile de fond d’une pose de bâches sur des hectares de culture, se profilent des arbres évoquant les ifs toscans des tableaux de la Renaissance, suggère qu’un certain idéal de l’Homme est aujourd’hui derrière nous. Les hommes, les voici. Ce ne sont pas, cette fois, des P-dg, mais des employés à casquettes Nike, assis en train de faire une pause, à peu près filmés comme des subalternes nazis qui n’auraient fait qu’obéir aux ordres. Des tortionnaires sereins ; des bourreaux dont on ne verrait jamais les chefs. »
Éric Derobert, Positif

SEANCE UNIQUE

mardi 5 juin à 20h30

SÉANCE SUIVIE D’UN DÉBAT ANIMÉ PAR FRANÇOISE NOWAK, ENSEIGNANTE ET JOURNALISTE INDÉPENDANTE