CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

S'en fout la mort


de Claire Denis



RÉTROSPECTIVE CLAIRE DENIS • OCTOBRE 2011

France-Allemange, 1990, 1h31
avec Isaach de Bankolé, Alex Descas, Solveig Dommartin, Christopher Buchholz, Jean-Claude Brialy

Dah est du Bénin, Jocelyn des Antilles, tous les deux ils forment une belle équipe. Jusqu’à maintenant ça se présente bien, Jocelyn a passé la frontière espagnole sans dégâts. Dans la camionnette qui roule vers Rungis, Dah pense que pour une fois ça va marcher. Ils tiennent le bon tuyau, une affaire de quoi se remplir les poches vite et bien. Leur contact à Rungis, c’est un Français, un restaurateur qui a bien connu la mère de Jocelyn aux Antilles. Il a étudié le marché. Mais comme dit Jocelyn : Faut voir, c’est pas la peine de s’emballer.


"Film méconnu de Claire Denis,
S'en fout la mort est pourtant l'un de ses tout meilleurs. Nourri de l'enfance africaine de la cinéaste, de son présent parisien et de ses lectures et visionnages américains, S'en fout la mort raconte le quotidien de deux amis, tous deux noirs mais tous deux différents, l'un africain, l'autre antillais, l'un volubile, l'autre mutique, l'un dealer de coqs de combat, l'autre éleveur des bestioles. Ils sont employés par un élégant et louche entrepreneur (excellent Jean-Claude Brialy) dirigeant une arène de combat clandestine dans un no man's land industriel de la banlieue parisienne. Puissamment concrète, Claire Denis magnifie des lieux indistincts (hangars, parking, camions...) et saisit avec précision les étapes et les gestes nécessaires à l'entraînement des volatiles ­ voir Alex Descas manipuler ses coqs est un superbe (et instructif) spectacle en soi.
Mais comme souvent dans le cinéma de Denis, le concret est une base pour décoller vers des zones plus abstraites, mentales et poétiques. Ainsi, ce qui serait déjà une excellente fiction documentaire sur le monde souterrain des combats de coqs et sur les friches urbaines devient aussi une méditation sur l'exil, une étude sur le lien physique, affectif et mystique entre l'homme et l'animal, un traité en sourdine sur le racisme ordinaire, un poème jazzy sur la nuit suburbaine et une relecture parisienne d'un imaginaire très américain où se croisent les fantômes de Chester Himes (cité en incipit) ou de Monte Hellman. Et puis voir évoluer Isaach de Bankolé et Alex Descas, acteurs scandaleusement sous-employés par le cinéma français, est toujours un plaisir."

Serge Kaganski, Les Inrockuptibles

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