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Archives 2001-2011

SCARFACE


de Howard Hawks



PROGRAMMATION OCTOBRE 2009

USA, 1932, 1h30, VOST
Avec Paul Muni, Ann Dvorak, Karen Morley, Osgood Perkins, C. Henry Gordon, George Raft, Boris Karloff

Le début des années 30 est sans doute l’âge d’or du film de gangsters à Hollywood. Les films se succèdent et les réussites sont certaines. Le film de Hawks, sur un scénario du remarquable Ben Hecht, demeure pourtant une référence des plus marquantes. Ici, l’ascension d’un petit caïd vire à la plus pure tragédie. Le rythme effréné auquel le réalisateur alterne des scènes dans des tonalités très différentes pose d’emblée une caractéristique en devenir de son style.

« Comme l’écrivait Jean-Claude Missiaen dans son ouvrage sur Hawks : « Ce qui donne tout son poids à cette leçon de morale est justement l’absence de leçon.» C’est ce qui fait de Scarface le plus moderne des films de gangsters. Il dépasse le contexte social pour atteindre le mythe.»
François Guérif

« Le film se démarque volontiers du lot commun par l’évidence de son scénario, sur lequel l’ombre de Capone a sans doute plané. Rédigé en onze jours par Hawks et Ben Hecht, il raconte l’ascension à Chicago de Tony Camonte, petit truand qui finira par contrôler la plus grande part du réseau de distribution de bière de la ville. Le récit épuré se fonde avant tout sur une succession d’actions plus que sur l’épaisseur psychologique des personnages et ne s’embarrasse pas d’une caractérisation sociale ou politique des truands. Le film met immédiatement en place sa dramaturgie et s’ouvre directement sur le meurtre exécuté par Camonte, tandis que la version de De Palma évoque en prologue l’immigration cubaine. Par volonté de simplicité le cinéaste ne se livre pas à des scènes explicatives, les personnages se révèlent avant tout par leurs actions et en demeurent plus mystérieux.
Les acteurs ne surjouent pas les caïds et sont délestés du caractère outrancier qu’Hollywood leur a souvent prêté. « J’en ai vraiment marre de toutes ces histoires de Gangsters, où chacun aboie sur l’autre et se présente comme le plus grand dur du monde », affirmait Hawks. Ainsi le patron de Camonte, Johnny Lovo, est présenté davantage comme un personnage pragmatique que comme un pantin grandiloquent. L’interprétation de Tony, qui ferait presque oublier celle d’Al Pacino, est véritablement habitée et ne laisse aucune prise à la caricature. Moins grave que celle de Pacino, elle souligne le caractère puéril et enfantin du personnage au visage changeant. « C’étaient de vrais gosses » disait le cinéaste ; en connaissance de cause parce qu’il utilisait parfois des repris de justice ou des détenus pour écrire ses scénarii. Plusieurs truands sont présentés comme des enfants qui n’ont pas une notion claire du bien et du mal, et dont les agissements sont parfois absurdement funestes.
Cette sobriété dans l’interprétation donne une tonalité réaliste au film, qu’accentuent les flambées de violence ponctuelles, motivées, et de plus en plus rapprochées, au fur et à mesure que la guerre des gangs s’accroît. D’une très grande efficacité, elles donnent au film une nervosité grandissante, sans jamais sombrer dans le grand-guignolesque. La mise en scène ne s’appesantit pas sur le déroulement des assassinats et les présente sans fard : ils ont la sécheresse des faits divers, comme en témoigne une scène éclair où un corps est expulsé d’une voiture. Au moment où les exactions atteignent leur point d’orgue, Hawks et Hecht n’hésitent pas à accélérer le récit par la surimpression d’un calendrier qui défile et de rafales de mitraillettes. Réalisé sans le soutien des studios, avec des bouts de ficelle et des acteurs sous-payés, le film a la limpidité d’un dessin au fusain. Le scénario et la mise en scène de Scarface contrastent donc avec des œuvres ultérieures à l’ambiance plus sophistiquée comme Le Grand Sommeil, où Hawks aura une indépendance moindre. »
Stéphan Baillard, « Jeux de truands », www.critikat.com

SEANCE UNIQUE

Mardi 13 octobre à 20h30