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SUR LA ROUTE DE MADISON (THE BRIDGES OF MADISON COUNTY)


de Clint Eastwood



PROGRAMMATION AVRIL 2011

USA, 1995, 2h15, VOSTF
avec Clint Eastwood, Meryl Streep, Anne Corley, Victor Slezac

1965, campagne de l’Iowa. Une femme mariée et un photographe de passage se rencontrent, passent quatre jours ensemble, se quittent la mort dans l’âme sans cesser de s’aimer pour le reste de leur vie. Cette Route de Madison est un passionnant jalon dans l’œuvre d’Eastwood, parce qu’il s’y dévoile comme jamais. Au fil de ses films, il avait commencé le travail de sape, jouant sur les défaillances et les doutes de son personnage vieillissant. Cette fois, il tombe complètement le masque et avance à visage découvert : bouleversé et bouleversant.

« Quand cette adaptation d'un fade succès de librairie est sortie l'année dernière, certains eastwoodiens ont cru y voir, sinon une trahison, du moins une déception. Ils n'y retrouvaient pas leur bon vieux Dirty Harry, leur cher cowboy spectral et impitoyable. Ils ne le disaient pas tout haut, mais on devinait leurs pensées : leur homme Clint s'était ramolli comme une tapiole dans une production à faire chialer les familles. Certes, Clint y troquait le colt contre un appareil photo et délaissait les grands espaces métaphysiques pour une simple histoire d'amour. Mais racontée avec patience et précision, filmée avec tact et bonne distance par un gentleman, une romance peut s'avérer encore plus prenante qu'un duel dans la poussière, surtout quand deux destins s'y jouent dans la durée concentrée de quatre jours. Robert et Francesca sont deux "marginaux" de l'Amérique dominante : un "citoyen du monde" qui déteste la morale bourgeoise et l'idéologie de la famille américaine et une Italienne parachutée dans un Iowa qu'elle trouve "tranquille" mais très éloigné de ses rêves de jeune fille. Avec Eastwood/Kincaïd, elle va non seulement redécouvrir son corps, mais aussi l'élégance sensuelle de la musique noire, la beauté patinée des ponts couverts du voisinage et le champ des possibilités que peut offrir la vie quand on veut bien oublier toute conception étriquée du monde. Eastwood en profite aussi pour ébaucher subtilement son autoportrait, refusant le statut d'artiste, évoquant la rigueur et l'économie de Yeats (cela aurait pu être aussi bien Ford ou Siegel)... Le cinéaste apprend ainsi à Francesca (et au public américain) qu'on peut descendre d'un train pour le seul motif d'admirer la beauté d'une ville inconnue. Romance poignante et critique sociale en filigrane, Sur la route de Madison est aussi une affaire de transmission. Au début, les enfants de Francesca arrivent chez leur mère décédée pour régler les affaires matérielles courantes. En guise de patrimoine, ils hériteront d'un cadeau inestimable : l'histoire cachée de leur maman, qui leur inculquera un regard plus ouvert et généreux sur le monde. Cette histoire est donc le film d'Eastwood et le legs de la mère à ses enfants est aussi celui du cinéaste au grand public contemporain. Sur la route de Madison est un chef-d'œuvre : loin de camoufler cette évidence, son allure superficielle de blockbuster familial la renforce.»
Serge Kaganski, Les Inrockuptibles

Séances

jeudi 21 avril à 18h
dimanche 24 avril à 14h15
mardi 26 avril à 20h30