CINÉMA ET SCANDALES • MAI 2015
Italie, 1975, 1h57, VOSTF, interdit -16 ans
avec Paolo Bonacelli, Giorgio Cataldi, Umberto P. Quintavalle
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avec Paolo Bonacelli, Giorgio Cataldi, Umberto P. Quintavalle
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Dans le dernier avatar de la République fasciste italienne, à Salò, les détenteurs du pouvoir, un magistrat, un banquier, un évêque et un duc mettent en scène dans une immense villa l’oeuvre du Marquis de Sade. Les miliciens raflent dans les environs les jeunes gens et les jeunes filles qui vont servir de figurants… Assimilant le rituel du pouvoir à celui du texte de Sade, le dernier film de Pasolini lance un message d’une extrême noirceur à son époque. Ne reculant ni devant les scènes de coprophagie, de sévices sexuels, de viols et de torture, il pousse jusqu’à l’extrême du supportable les possibilités de la représentation cinématographique, avec précision et minutie. Menacé de mort pendant le tournage, il fut assassiné avant la sortie du film.
""Le film veut démontrer l’inexistence de l’histoire." Cette phrase de Pasolini souligne le paradoxe de la référence. Le film fut réalisé au cours des années 1970, qui furent l’occasion pour quelques mouvements néo-fascistes de renaître en Italie. Certes, on serait tenté de trouver une double référence. Mais loin de proposer une quelconque critique de cette période, et encore moins de dénoncer la société de consommation comme on a pu le penser non sans simplisme, Pasolini passe outre l’historicité, en dépit de l’imagier soldatesque, du caractère martial qui se diffuse dans l’œuvre. Son histoire est une histoire de tête, de pensée, de plaisir. C’est une coloration qui vient renforcer le sous-texte ô combien plus profond de ce film sans précédent et sans descendant. Dès que les jeunes gens se retrouvent enfermés dans la villa, une sorte d’intemporalité propre à la détention, à la prison, s’installe, hors du temps, hors même de la notion de fuite du temps.(...) Salò est une œuvre irréductible à une analyse traditionnelle en raison de la multiplicité de ses négations : négation narrative, négation de ses personnages, négation de ses références. Les cercles du film débouchent sur l’illustration d’un retour, celui de la lassitude, de l’abandon des plaisirs. C’est une œuvre émoussée, dont le tranchant vient moins de ses scènes que du message terrifiant de son réalisateur. Ce message, c’est celui d’une noirceur impénétrable, d’un monde à l’envers qui déroule le paradoxe d’une liberté totale et totalitaire dans une dimension carcérale où la seule éternité est celle de l’ennui.
Et lorsque la mort trouva Pasolini, c’est dans des conditions mystérieuses, comme si l’élan absurde de Salò avait trouvé son essor et sa fin dans le départ définitif de son réalisateur. Le point d’orgue de cette messe ni divine ni satanique, c’est la mort, sans possibilité de résurrection."
Romain Estorc, Critikat
"Film historique par son décorum et sa bande-son (on y entend, hors des murs de la résidence, les bruits des bombardiers et des explosions de la guerre), anachronique dans ses dialogues (les libertins citent à tour de bras Nietzsche, Proust, Dada, Baudelaire mais aussi Blanchot et Klossowski), Salò… est avant tout une œuvre intemporelle dans laquelle Pasolini se livre à une diatribe anticapitaliste. Salò… dénonce l’asservissement du prolétariat, explique comment le capitalisme transforme tout en marchandise, y compris les corps des jeunes gens, réduit à des objets de luxure et à des mécaniques sexuelles. PPP, fidèle à sa figure de prophète et d’oiseau de mauvais augure, ne trahit absolument pas Sade. Il se contente, si nécessaire, de l’actualiser. (...) Salò… fut condamné par les héritiers du fascisme, bien sûr, mais aussi par les sadiens orthodoxes, gardiens de la vertu d’un écrivain qu’il est désormais impossible de mêler à la violence totalitaire au risque de passer pour un odieux réactionnaire, ou de porter à l’écran au risque de passer pour un piètre illustrateur. C’est parce que le film est aussi inacceptable que le roman que Pasolini est fidèle à Sade, in extremis.
PPP, poète et martyr, a eu toute sa vie trois idoles : le Christ, Marx et Freud. Il n’est pas innocent qu’il ait choisi en Sade un ultime compagnon de solitude avant sa mort : malgré la postérité de l’œuvre de Pasolini et son influence sur de nombreux cinéastes, il n’y aura pas d’enfants de Salò…"
Olivier Père, Les Inrockuptibles
""Le film veut démontrer l’inexistence de l’histoire." Cette phrase de Pasolini souligne le paradoxe de la référence. Le film fut réalisé au cours des années 1970, qui furent l’occasion pour quelques mouvements néo-fascistes de renaître en Italie. Certes, on serait tenté de trouver une double référence. Mais loin de proposer une quelconque critique de cette période, et encore moins de dénoncer la société de consommation comme on a pu le penser non sans simplisme, Pasolini passe outre l’historicité, en dépit de l’imagier soldatesque, du caractère martial qui se diffuse dans l’œuvre. Son histoire est une histoire de tête, de pensée, de plaisir. C’est une coloration qui vient renforcer le sous-texte ô combien plus profond de ce film sans précédent et sans descendant. Dès que les jeunes gens se retrouvent enfermés dans la villa, une sorte d’intemporalité propre à la détention, à la prison, s’installe, hors du temps, hors même de la notion de fuite du temps.(...) Salò est une œuvre irréductible à une analyse traditionnelle en raison de la multiplicité de ses négations : négation narrative, négation de ses personnages, négation de ses références. Les cercles du film débouchent sur l’illustration d’un retour, celui de la lassitude, de l’abandon des plaisirs. C’est une œuvre émoussée, dont le tranchant vient moins de ses scènes que du message terrifiant de son réalisateur. Ce message, c’est celui d’une noirceur impénétrable, d’un monde à l’envers qui déroule le paradoxe d’une liberté totale et totalitaire dans une dimension carcérale où la seule éternité est celle de l’ennui.
Et lorsque la mort trouva Pasolini, c’est dans des conditions mystérieuses, comme si l’élan absurde de Salò avait trouvé son essor et sa fin dans le départ définitif de son réalisateur. Le point d’orgue de cette messe ni divine ni satanique, c’est la mort, sans possibilité de résurrection."
Romain Estorc, Critikat
"Film historique par son décorum et sa bande-son (on y entend, hors des murs de la résidence, les bruits des bombardiers et des explosions de la guerre), anachronique dans ses dialogues (les libertins citent à tour de bras Nietzsche, Proust, Dada, Baudelaire mais aussi Blanchot et Klossowski), Salò… est avant tout une œuvre intemporelle dans laquelle Pasolini se livre à une diatribe anticapitaliste. Salò… dénonce l’asservissement du prolétariat, explique comment le capitalisme transforme tout en marchandise, y compris les corps des jeunes gens, réduit à des objets de luxure et à des mécaniques sexuelles. PPP, fidèle à sa figure de prophète et d’oiseau de mauvais augure, ne trahit absolument pas Sade. Il se contente, si nécessaire, de l’actualiser. (...) Salò… fut condamné par les héritiers du fascisme, bien sûr, mais aussi par les sadiens orthodoxes, gardiens de la vertu d’un écrivain qu’il est désormais impossible de mêler à la violence totalitaire au risque de passer pour un odieux réactionnaire, ou de porter à l’écran au risque de passer pour un piètre illustrateur. C’est parce que le film est aussi inacceptable que le roman que Pasolini est fidèle à Sade, in extremis.
PPP, poète et martyr, a eu toute sa vie trois idoles : le Christ, Marx et Freud. Il n’est pas innocent qu’il ait choisi en Sade un ultime compagnon de solitude avant sa mort : malgré la postérité de l’œuvre de Pasolini et son influence sur de nombreux cinéastes, il n’y aura pas d’enfants de Salò…"
Olivier Père, Les Inrockuptibles
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