CINEMA D'HIER ET AUJOURD'HUI • AVRIL 2015
HK-France-Japon, 2013, 3h47, VOSTF, documentaire
SORTIE NATIONALE
SORTIE NATIONALE
L'histoire du cinéma documentaire est ponctuée de films importants où la maladie mentale et l'institution psychiatrique qui l'encadre sont regardées (Wiseman, King, Deligny, Ruspoli, Depardon, Philibert, Dervaux, Reis...). Wang Bing vient d'y ajouter une contribution essentielle au sens où À la folie s'impose aussi comme l'un des plus remarquables films jamais tournés sur un milieu d'enfermement. Sa force ? Comme souvent, une soustraction du geste cinématographique à toute autre détermination théorique que celle d'être présent à tout instant (Wang Bing est un coureur de fond) pour étreindre le réel au point précis où il éreinte et éprouve ceux qui le vivent. La mise en scène consiste ici dans la capacité sidérante du cinéaste à multiplier les prises de mesure de cet hôpital/prison pour relever derrière un fonctionnement systématique l'ultime humanité des internés. Après l'usine d'À l'ouest des rails, les camps de travaux forcés de Jiabiangou, la route des charboniers, ou la plateforme pétrolière de Crude Oil, Wang Bing poursuit son grand oeuvre archéologique des systèmes broyant ou aliénant les individus à leur environnement.
"Dans Titicut Follies Frederick Wiseman filmait les détenus de l’hôpital psychiatrique militaire de Bridgewater. Lors d’une séance de thérapie, l’insistance avec laquelle la caméra scrutait le psychiatre avec suspicion poussait le spectateur à penser que soignant et soigné feraient bien d’intervertir leurs places. L’opposition dos à dos des patients et de leurs encadrants conduisait à repenser la définition et les limites de la folie. À la folie adopte un dispositif similaire à celui du premier regard critique porté par Wiseman sur les institutions de son pays : immersion pendant trois mois entre les murs (et les grilles) d’un hôpital psychiatrique du Yunnan. Pourtant, si l’attention portée aux internés amène bien à un retournement du regard, celui-ci ne procède pas d’un effet de confrontation. Côté chinois, médecins, gardiens, comme tous les rouages de l’administration, ont quasiment disparu du décor, et ne surviennent qu’épisodiquement, essentiellement pour injecter des calmants. Ce qui est au cœur du film, ce n’est pas le fonctionnement de l’internement au sens collectif mais la façon dont les patients individuellement survivent dans ce lieu au jour le jour.(..) Si Wang Bing met délibérément de côté la dimension systémique de l’internement, c’est pour s’intéresser à la façon dont cet univers clos contraint l’homme à faire exister une part élémentaire de lui-même. Construit sous forme de chapitres consacrés chacun à un patient, le film décrit comment chacun se débrouille pour survivre dans une promiscuité et derrière des grilles qui dénient toute intimité. C’est bien moins à définir la limite de la folie et de la santé mentale que s’emploie le cinéaste qu’à rechercher la frontière entre corps intime et corps collectif. Si la caméra ne semble jamais impudique, c’est qu’à son regard correspond toujours l’éventualité de l’œil de l’autre, qu’il soit gardien ou autre détenu, puisque la topographie des lieux – entre une longue coursive et le recroquevillement des cellules collectives – interdit de trouver un abri à la surveillance."
Raphaëlle Pireyre, Critikat
"Dans Titicut Follies Frederick Wiseman filmait les détenus de l’hôpital psychiatrique militaire de Bridgewater. Lors d’une séance de thérapie, l’insistance avec laquelle la caméra scrutait le psychiatre avec suspicion poussait le spectateur à penser que soignant et soigné feraient bien d’intervertir leurs places. L’opposition dos à dos des patients et de leurs encadrants conduisait à repenser la définition et les limites de la folie. À la folie adopte un dispositif similaire à celui du premier regard critique porté par Wiseman sur les institutions de son pays : immersion pendant trois mois entre les murs (et les grilles) d’un hôpital psychiatrique du Yunnan. Pourtant, si l’attention portée aux internés amène bien à un retournement du regard, celui-ci ne procède pas d’un effet de confrontation. Côté chinois, médecins, gardiens, comme tous les rouages de l’administration, ont quasiment disparu du décor, et ne surviennent qu’épisodiquement, essentiellement pour injecter des calmants. Ce qui est au cœur du film, ce n’est pas le fonctionnement de l’internement au sens collectif mais la façon dont les patients individuellement survivent dans ce lieu au jour le jour.(..) Si Wang Bing met délibérément de côté la dimension systémique de l’internement, c’est pour s’intéresser à la façon dont cet univers clos contraint l’homme à faire exister une part élémentaire de lui-même. Construit sous forme de chapitres consacrés chacun à un patient, le film décrit comment chacun se débrouille pour survivre dans une promiscuité et derrière des grilles qui dénient toute intimité. C’est bien moins à définir la limite de la folie et de la santé mentale que s’emploie le cinéaste qu’à rechercher la frontière entre corps intime et corps collectif. Si la caméra ne semble jamais impudique, c’est qu’à son regard correspond toujours l’éventualité de l’œil de l’autre, qu’il soit gardien ou autre détenu, puisque la topographie des lieux – entre une longue coursive et le recroquevillement des cellules collectives – interdit de trouver un abri à la surveillance."
Raphaëlle Pireyre, Critikat
Séances
Lundi 13/04 20:30
Mercredi 15/04 14:00
Samedi 18/04 16:00
Lundi 20/04 20:00
Mardi 21/04 16:30
> À la folie est aussi programmé au Cinéma le Concorde (du 22 avril au 12 mai 2015)