PROGRAMMATION NOVEMBRE 2007
USA, 2002, 1h54, VOSTF
Avec Robert Duvall, Rubén Blades, Kathy Baker
Avec Robert Duvall, Rubén Blades, Kathy Baker
John J. Anderson, tueur à gages professionnel profondément attaché à sa fiancée Maggie et à Jenny, la fille de celle-ci, est envoyé en Argentine pour exécuter un nouveau contrat. Mais lorsque sa cible, un général de l'armée argentine, repousse son retour au pays, John décide de passer quelques temps à Buenos Aires.
Il y fait alors la connaissance de Manuela, une très jolie danseuse, qui devient son professeur de danse et le guide à travers l'univers sensuel du tango. Le dur retour à la réalité de sa mission sera d'autant plus difficile...
« Peu après le début du film (Assassination Tango, de Robert Duvall), une fillette court en tous sens dans un appartement. Son cartable sur le dos, elle est prête à partir en classe, mais il lui manque manifestement quelque chose à faire. Peut-être parler à son père qui l’a endormie la veille au soir et qu’elle ne voit pas ce matin ? Elle sort. Son père, derrière elle, la suit en se cachant plus ou moins adroitement. D’un pont qui surplombe la rue où s’ouvre son école, il la regarde embrassant joyeuse ses amies. Il sourit et l’on passe sans transition à une autre séquence qui n’a rien à voir, violence urbaine peut-être, ou conversation entre deux conspirateurs d’opérette, le père en question et un entraîneur de boxe passablement décati. On est dans une grande ville des États-Unis et les deux hommes préparent l’exécution d’un général argentin tortionnaire à Buenos Aires. Un avion dans le ciel, un taxi et quelques séquences plus tard, le père attendri et mercenaire engagé pour un meurtre se retrouve dans une sorte de club où, à côté d’une salle d’entraînement pour boxeurs un couple danse le tango derrière un rideau de perles. Beauté de cet enlacement, scintillement des perles, l’homme s’arrête, fasciné, comme il le fut devant la course rieuse de sa fille vers ses amies.
C’est sans doute pour cela qu’on aime ce film, pour cette façon qu’il a de traiter par dessous la jambe une histoire invraisemblable de complot dont aucun producteur soucieux du box-office n’aurait voulu pour s’en tenir, sans vains discours et par la seule force de la suggestion, à l’essentiel : l’amour d’un père pour sa fille, la découverte éblouie par un étranger de la splendeur sauvage du tango. C’est toujours un bonheur de tomber sur un film qui n’est pas formaté. Et ce bonheur est en quelque sorte double quand il nous vient de Hollywood où s’est peaufinée cette formule de la mise au carré du cinéma.
Il est vrai que celui-là, c’est Coppola qui l’a produit et que son réalisateur n’est pas n’importe qui. Robert Duvall, en effet, immense acteur de cinéma, de théâtre et de télévision qui joue le rôle principal, peut se permettre de ne tourner que lorsqu’un sujet le travaille. Assassination Tango est son troisième film. Le précédent, Angelo, my Love (1983), sur les Gitans des États-Unis était déjà pas mal déjanté. Ici, il se surpasse. Le comédien de toutes les folies, de la mégalomanie wagnérienne de l’officier d’Apocalypse Now (Coppola, 1979) à la déchéance alcoolique du chanteur de Tender Mercies (Beresford, 1983) rend hommage à une danse qui est aussi art de vivre et à un peuple, ces Argentins de passion qu’il écoute et qu’il regarde vivre. Il n’est à aucun moment le " Yankee " apportant ses lumières (à part celles, particulièrement tournées en ridicule petit revolver, de tueur à gages au revolver-joujou manié comme un bazooka) à des sous-développés mais un homme qui à apprendre de ses semblables. À apprendre d’abord à marcher. Et ce n’est pas le moindre charme du film que ce comique léger qui l’éclaire d’un sourire lorsque, par exemple, sur le conseil d’une experte en tango, cet impitoyable justicier aux jambes arquées de cow-boy de légende, s’essaie à marcher genoux serrés pour attraper la démarche " porteno " du vrai mâle argentin. Et c’est Charlot qui s’en va claudiquant dans la nuit d’une rue de Buenos Aires sous les rires de ses amis. Si toute l’admiration du cinéaste va aux danseurs de tango et à leur souple connivence, c’est sur lui acteur et sur ses compatriotes que s’exerce la dérision, toujours. Il suffit de comparer la raideur compassée des couples nord-américains chez Frankie’s, club des États-Unis à la sensuelle gravité de danseurs argentins pour savoir avec qui il est à l’aise, le cinéaste. De même, il n’est pas interdit de penser que cette dérision, au-delà du personnage et de ses compatriotes, s’exerce malignement sur le genre lui-même, ces films où le grand voisin du nord va prêter assistance à ceux du sud, les déshérités. Il n’y a qu’à voir les ridicules précautions, ruses de vieux Sioux déplumés dont il s’entoure pour entrer dans sa chambre d’hôtel pour savoir en quelle estime il tient ce genre d’effets. Mais il y a plus : dans son film, pour ce qui est de la partie complot, ce sont les Argentins qui prennent tous les risques. Et les coups, et la prison. Lui, pour sympathique qu’il soit dans son élégance à assumer son âge et ses maladresses, s’en tire bien, car, dit-il, " il ne fait pas de politique ". De retour dans son pays, mission accomplie, il esquisse avec l’ami qui l’accueille, quelques passes de boxe qui se transforment en semblant de tango malhabile. Et le film, dans une séquence onirique comme il y en eut pas mal, s’achève sur de vrais danseurs, là-bas d’où il vient. Façon de rappeler, à ceux qui ne l’auraient pas encore compris, quel est le vrai sujet, et pourquoi il a voulu faire ce film. »
Emile Breton, L’Humanité
Il y fait alors la connaissance de Manuela, une très jolie danseuse, qui devient son professeur de danse et le guide à travers l'univers sensuel du tango. Le dur retour à la réalité de sa mission sera d'autant plus difficile...
« Peu après le début du film (Assassination Tango, de Robert Duvall), une fillette court en tous sens dans un appartement. Son cartable sur le dos, elle est prête à partir en classe, mais il lui manque manifestement quelque chose à faire. Peut-être parler à son père qui l’a endormie la veille au soir et qu’elle ne voit pas ce matin ? Elle sort. Son père, derrière elle, la suit en se cachant plus ou moins adroitement. D’un pont qui surplombe la rue où s’ouvre son école, il la regarde embrassant joyeuse ses amies. Il sourit et l’on passe sans transition à une autre séquence qui n’a rien à voir, violence urbaine peut-être, ou conversation entre deux conspirateurs d’opérette, le père en question et un entraîneur de boxe passablement décati. On est dans une grande ville des États-Unis et les deux hommes préparent l’exécution d’un général argentin tortionnaire à Buenos Aires. Un avion dans le ciel, un taxi et quelques séquences plus tard, le père attendri et mercenaire engagé pour un meurtre se retrouve dans une sorte de club où, à côté d’une salle d’entraînement pour boxeurs un couple danse le tango derrière un rideau de perles. Beauté de cet enlacement, scintillement des perles, l’homme s’arrête, fasciné, comme il le fut devant la course rieuse de sa fille vers ses amies.
C’est sans doute pour cela qu’on aime ce film, pour cette façon qu’il a de traiter par dessous la jambe une histoire invraisemblable de complot dont aucun producteur soucieux du box-office n’aurait voulu pour s’en tenir, sans vains discours et par la seule force de la suggestion, à l’essentiel : l’amour d’un père pour sa fille, la découverte éblouie par un étranger de la splendeur sauvage du tango. C’est toujours un bonheur de tomber sur un film qui n’est pas formaté. Et ce bonheur est en quelque sorte double quand il nous vient de Hollywood où s’est peaufinée cette formule de la mise au carré du cinéma.
Il est vrai que celui-là, c’est Coppola qui l’a produit et que son réalisateur n’est pas n’importe qui. Robert Duvall, en effet, immense acteur de cinéma, de théâtre et de télévision qui joue le rôle principal, peut se permettre de ne tourner que lorsqu’un sujet le travaille. Assassination Tango est son troisième film. Le précédent, Angelo, my Love (1983), sur les Gitans des États-Unis était déjà pas mal déjanté. Ici, il se surpasse. Le comédien de toutes les folies, de la mégalomanie wagnérienne de l’officier d’Apocalypse Now (Coppola, 1979) à la déchéance alcoolique du chanteur de Tender Mercies (Beresford, 1983) rend hommage à une danse qui est aussi art de vivre et à un peuple, ces Argentins de passion qu’il écoute et qu’il regarde vivre. Il n’est à aucun moment le " Yankee " apportant ses lumières (à part celles, particulièrement tournées en ridicule petit revolver, de tueur à gages au revolver-joujou manié comme un bazooka) à des sous-développés mais un homme qui à apprendre de ses semblables. À apprendre d’abord à marcher. Et ce n’est pas le moindre charme du film que ce comique léger qui l’éclaire d’un sourire lorsque, par exemple, sur le conseil d’une experte en tango, cet impitoyable justicier aux jambes arquées de cow-boy de légende, s’essaie à marcher genoux serrés pour attraper la démarche " porteno " du vrai mâle argentin. Et c’est Charlot qui s’en va claudiquant dans la nuit d’une rue de Buenos Aires sous les rires de ses amis. Si toute l’admiration du cinéaste va aux danseurs de tango et à leur souple connivence, c’est sur lui acteur et sur ses compatriotes que s’exerce la dérision, toujours. Il suffit de comparer la raideur compassée des couples nord-américains chez Frankie’s, club des États-Unis à la sensuelle gravité de danseurs argentins pour savoir avec qui il est à l’aise, le cinéaste. De même, il n’est pas interdit de penser que cette dérision, au-delà du personnage et de ses compatriotes, s’exerce malignement sur le genre lui-même, ces films où le grand voisin du nord va prêter assistance à ceux du sud, les déshérités. Il n’y a qu’à voir les ridicules précautions, ruses de vieux Sioux déplumés dont il s’entoure pour entrer dans sa chambre d’hôtel pour savoir en quelle estime il tient ce genre d’effets. Mais il y a plus : dans son film, pour ce qui est de la partie complot, ce sont les Argentins qui prennent tous les risques. Et les coups, et la prison. Lui, pour sympathique qu’il soit dans son élégance à assumer son âge et ses maladresses, s’en tire bien, car, dit-il, " il ne fait pas de politique ". De retour dans son pays, mission accomplie, il esquisse avec l’ami qui l’accueille, quelques passes de boxe qui se transforment en semblant de tango malhabile. Et le film, dans une séquence onirique comme il y en eut pas mal, s’achève sur de vrais danseurs, là-bas d’où il vient. Façon de rappeler, à ceux qui ne l’auraient pas encore compris, quel est le vrai sujet, et pourquoi il a voulu faire ce film. »
Emile Breton, L’Humanité
SEANCES
Jeudi 8 novembre à 18h30
Dimanche 11 novembre à 18h30
Mercredi 14 novembre à 20h30
Samedi 17 novembre à 18h
Dimanche 11 novembre à 18h30
Mercredi 14 novembre à 20h30
Samedi 17 novembre à 18h