PROGRAMMATION JANVIER 2007
LA CHARNIÈRE
Du Groupe Medvékine Besançon
France, 1968, 13 min
L’enregistrement d’un débat après la projection de À bientôt, j’espère de Chris Marker et Mario Marret avec les ouvriers de l’usine Rhodia de Besançon. "Juste un son, mais un son juste…"
« Mai 68 commence en février 67, à Besançon, dans l'usine de textile de la Rhodiacéta au cours d'une grève inhabituellement longue. Appellé par le CCPPO pour filmer ce qu'il se passe dans la capitale franc-comtoise, Chris Marker va en tirer À bientôt, j'espère, un documentaire sur les conditions de travail des ouvriers à la chaîne soumis au rythme des 4x8. En découle un témoignage poignant sur la dureté du monde du travail de cette époque et la façon dont les vies de ces ouvriers sont complètement atrophiées, enfermées dans la logique de l'entreprise. À travers ce film, le cinéaste offre un temps de parole hors du temps du travail. "Je pense que le réalisateur est un incapable... (...) et je pense plutôt, et je le dis crûment aussi, qu'il y a simplement une exploitation des travailleurs de Rhodia par des gens qui, paraît-il, luttent contre le capitalisme". Tel fut l'accueil réservé à Chris Marker par les ouvriers filmés, au cours d'un débat qui a suivi la projection du film. Le cinéaste est brutalement remis à sa place par une classe ouvrière qui ne se reconnaît pas dans son film. Et il est passionnant de savoir que cette discussion très animée, ce duel entre filmeur et filmé, a été enregistrée et constitue un document sans image, uniquement sonore (on est à l'origine d'un mouvement et les images restent à écrire...) logiquement appellé La Charnière. La réponse de Marker est lumineuse: "Nous cinéastes, on sera toujours au mieux des explorateurs bien intentionnés, plus ou moins sympathiques, mais de l'extérieur et que, de même que pour sa libération, la représentation et l'expression du cinéma de la classe ouvrière sera son oeuvre elle-même. Et c'est quand les ouvriers auront entre les mains les appareils audiovisuels qu'ils nous montreront à nous les films sur la classe ouvrière et sur ce qu'est une grève, à l'intérieur d'une usine". Nous sommes à la frontière du cinéma et pour la première fois, la caméra va passer de l'autre côté ; ceux qui sont habituellement filmés vont prendre en main leur propre image – et symboliquement – leur propre destin. »
Laurent Devanne, Kinok
France, 1968, 13 min
L’enregistrement d’un débat après la projection de À bientôt, j’espère de Chris Marker et Mario Marret avec les ouvriers de l’usine Rhodia de Besançon. "Juste un son, mais un son juste…"
« Mai 68 commence en février 67, à Besançon, dans l'usine de textile de la Rhodiacéta au cours d'une grève inhabituellement longue. Appellé par le CCPPO pour filmer ce qu'il se passe dans la capitale franc-comtoise, Chris Marker va en tirer À bientôt, j'espère, un documentaire sur les conditions de travail des ouvriers à la chaîne soumis au rythme des 4x8. En découle un témoignage poignant sur la dureté du monde du travail de cette époque et la façon dont les vies de ces ouvriers sont complètement atrophiées, enfermées dans la logique de l'entreprise. À travers ce film, le cinéaste offre un temps de parole hors du temps du travail. "Je pense que le réalisateur est un incapable... (...) et je pense plutôt, et je le dis crûment aussi, qu'il y a simplement une exploitation des travailleurs de Rhodia par des gens qui, paraît-il, luttent contre le capitalisme". Tel fut l'accueil réservé à Chris Marker par les ouvriers filmés, au cours d'un débat qui a suivi la projection du film. Le cinéaste est brutalement remis à sa place par une classe ouvrière qui ne se reconnaît pas dans son film. Et il est passionnant de savoir que cette discussion très animée, ce duel entre filmeur et filmé, a été enregistrée et constitue un document sans image, uniquement sonore (on est à l'origine d'un mouvement et les images restent à écrire...) logiquement appellé La Charnière. La réponse de Marker est lumineuse: "Nous cinéastes, on sera toujours au mieux des explorateurs bien intentionnés, plus ou moins sympathiques, mais de l'extérieur et que, de même que pour sa libération, la représentation et l'expression du cinéma de la classe ouvrière sera son oeuvre elle-même. Et c'est quand les ouvriers auront entre les mains les appareils audiovisuels qu'ils nous montreront à nous les films sur la classe ouvrière et sur ce qu'est une grève, à l'intérieur d'une usine". Nous sommes à la frontière du cinéma et pour la première fois, la caméra va passer de l'autre côté ; ceux qui sont habituellement filmés vont prendre en main leur propre image – et symboliquement – leur propre destin. »
Laurent Devanne, Kinok
STARRY NIGHT
De Mazen Kerbaj
France, 2006, 6 min 31
Une improvisation minimale de Mazen Kerbaj à la trompette sur fond de bombardement israélien de Beyrouth, enregistré par l’auteur sur son balcon dans la nuit du 15 au 16 juillet 2006.
Écouter, c’est déjà faire de la politique. Écouter. Ce geste simple, cette "passivité" selon le mot ironique de Peter Szendy, est en effet, et c’est une conviction profonde, une façon de faire bouger les choses. (…) Et puis cette attitude prend encore une autre ampleur lorsqu’un trompettiste libanais, depuis son appartement de Beyrouth, se lance dans une improvisation minimale en réponse au ballet des avions israéliens en train de bombarder sa ville. Objet funambule suspendu entre ciel et terre, réponse presque rêveuse sur un balcon dérisoire, Starry Night, la pièce de Mazen Kerbaj, touche ici au sublime. L’artiste semble écouter le monde et son tumulte jusqu’à l’oubli de soi. Le rêve éloigne le mauvais œil. Le rêve est plus fort que toutes les armées du monde semble-t-il nous dire... (…) Mazen Kerbaj semble pourtant douter de l’efficacité de son travail : "L’art peut-il combattre la guerre" s’interroge-t-il ? Question légitime lorsque l’on vit dans un pays qui semble ne jamais pouvoir échapper aux combats. Mais les questions ne peuvent venir au bout de la foi. Il y a quelque chose de viscéralement ancré et de trop important.
France, 2006, 6 min 31
Une improvisation minimale de Mazen Kerbaj à la trompette sur fond de bombardement israélien de Beyrouth, enregistré par l’auteur sur son balcon dans la nuit du 15 au 16 juillet 2006.
Écouter, c’est déjà faire de la politique. Écouter. Ce geste simple, cette "passivité" selon le mot ironique de Peter Szendy, est en effet, et c’est une conviction profonde, une façon de faire bouger les choses. (…) Et puis cette attitude prend encore une autre ampleur lorsqu’un trompettiste libanais, depuis son appartement de Beyrouth, se lance dans une improvisation minimale en réponse au ballet des avions israéliens en train de bombarder sa ville. Objet funambule suspendu entre ciel et terre, réponse presque rêveuse sur un balcon dérisoire, Starry Night, la pièce de Mazen Kerbaj, touche ici au sublime. L’artiste semble écouter le monde et son tumulte jusqu’à l’oubli de soi. Le rêve éloigne le mauvais œil. Le rêve est plus fort que toutes les armées du monde semble-t-il nous dire... (…) Mazen Kerbaj semble pourtant douter de l’efficacité de son travail : "L’art peut-il combattre la guerre" s’interroge-t-il ? Question légitime lorsque l’on vit dans un pays qui semble ne jamais pouvoir échapper aux combats. Mais les questions ne peuvent venir au bout de la foi. Il y a quelque chose de viscéralement ancré et de trop important.
SORTIE DES NOVICES DE SAKPATA
De Jean Rouch et Gilbert Rouget
France - Bénin, 1963, 18 min
L'initiation au culte des vodoun donne lieu à une longue réclusion dans un "couvent" où les jeunes néophytes apprennent les danses chantées propres à leur divinité. Un film ethnographique de Jean Rouch et Gilbert Rouget, un ethnomusicologue. Comme il ne peut pas tout le temps filmer et qu’il ne veut pas couper la continuité de la musique, il laisse des noirs quand les images manquent…
France - Bénin, 1963, 18 min
L'initiation au culte des vodoun donne lieu à une longue réclusion dans un "couvent" où les jeunes néophytes apprennent les danses chantées propres à leur divinité. Un film ethnographique de Jean Rouch et Gilbert Rouget, un ethnomusicologue. Comme il ne peut pas tout le temps filmer et qu’il ne veut pas couper la continuité de la musique, il laisse des noirs quand les images manquent…
PRESQUE RIEN N°2, AINSI CONTINUE (LA NUIT) DANS MA TÊTE MULTIPLE)
De Luc Ferrari
France, 1977, 21 min 29
Luc Ferrari promène son micro dans la forêt à la rencontre d’étranges bestioles sonores.
Presque rien n°2, ainsi continue (la nuit) dans ma tête multiple est une entreprise un peu plus récente (1977) dans la même veine : "essayer de pénétrer un paysage". Paysage nocturne cette fois-ci, dans lequel le compositeur se balade avec un micro et enregistre au passage ses impressions en parlant. Oui, sa voix : c'est en quelque sorte le stade ultime du méta-langage appliqué à la musique concrète : le compositeur commente lui-même son oeuvre, à l'intérieur même de celle-ci. Mais encore une fois (et heureusement), il n'y a rien là de sec ou de théorique ; c'est sensuel, doux, intime, bruissant de vie. L'acte de composition se camoufle mais il est bel et bien là.
France, 1977, 21 min 29
Luc Ferrari promène son micro dans la forêt à la rencontre d’étranges bestioles sonores.
Presque rien n°2, ainsi continue (la nuit) dans ma tête multiple est une entreprise un peu plus récente (1977) dans la même veine : "essayer de pénétrer un paysage". Paysage nocturne cette fois-ci, dans lequel le compositeur se balade avec un micro et enregistre au passage ses impressions en parlant. Oui, sa voix : c'est en quelque sorte le stade ultime du méta-langage appliqué à la musique concrète : le compositeur commente lui-même son oeuvre, à l'intérieur même de celle-ci. Mais encore une fois (et heureusement), il n'y a rien là de sec ou de théorique ; c'est sensuel, doux, intime, bruissant de vie. L'acte de composition se camoufle mais il est bel et bien là.
CONFÉRENCE SUR RIEN
De Jean-Jacques Palix et Eve Couturier
France, 2002, 52 min
La traduction du texte de Lecture about Nothing, conférence donnée par John Cage en 1950 à l'Artistís Club à New York, événement incontournable de l'art du XXe siècle. John Cage y livre un exposé particulièrement lucide sur le statut de l'art de son époque, non sous la forme proprement dite d'un manifeste mais par l'élaboration d'une réflexion précise sur notre rapport au sens.
Le rythme du film est lent. Il consiste en une suite de plans, longues et lentes ouvertures du blanc aux images et vice-versa - fermetures au blanc -, qui se succèdent ou s'enchaînent par de longs fondus enchaînés ou des montages "cut". Les images sont minimales, nous laissant découvrir des jeux d'ombre et de lumière autour de la couleur blanche, des ciels animés de nuages, des arbres dans le vent... Ces longs plans de "silence visuel" portent le texte et son sens. La bande sonore accompagnant la voix de la lectrice n'est constituée que d'une rumeur de ville, sans aucun son réellement identifiable. Ce bruit de fond cher à la pensée de John Cage est retravaillé au mixage et occupe l'espace sonore de façon permanente pendant tout le film, y compris pendant les silences de la lecture.
Le texte original de cette conférence a été édité pour la première fois en août 1959 dans le recueil Incontri Musicalepuis, en 1961, dans l'ouvrage intitulé Silence. "Composée" comme une partition musicale, cette conférence est structurée en cinq grandes parties, contenant respectivement 7, 6, 14, 14 et 7 unités. Chaque unité est subdivisée en douze lignes comptant chacune 4 mesures. D'après les indications de John Cage, le texte doit être lu de manière rythmique, mais sans artifice, avec le rubato utilisé dans la conversation courante. "This Lecture on Nothing was written in the same rythmic structure I employed at the time in my musical compositions - Sonatas and Interludes, Three Dances, etc... " John Cage. En 2001, Eve Couturier, encouragée par deux amis historiens d’art, Dean Inkster et Christophe Wavelet, fait une traduction française de ce texte sous le titre Conférence sur rien. Elle l’enregistre au printemps 2002. Conjointement, Jean-Jacques Palix a l'idée de réaliser un film pour accompagner la lecture de cette conférence. Le film est réalisé durant l'été 2002.
France, 2002, 52 min
La traduction du texte de Lecture about Nothing, conférence donnée par John Cage en 1950 à l'Artistís Club à New York, événement incontournable de l'art du XXe siècle. John Cage y livre un exposé particulièrement lucide sur le statut de l'art de son époque, non sous la forme proprement dite d'un manifeste mais par l'élaboration d'une réflexion précise sur notre rapport au sens.
Le rythme du film est lent. Il consiste en une suite de plans, longues et lentes ouvertures du blanc aux images et vice-versa - fermetures au blanc -, qui se succèdent ou s'enchaînent par de longs fondus enchaînés ou des montages "cut". Les images sont minimales, nous laissant découvrir des jeux d'ombre et de lumière autour de la couleur blanche, des ciels animés de nuages, des arbres dans le vent... Ces longs plans de "silence visuel" portent le texte et son sens. La bande sonore accompagnant la voix de la lectrice n'est constituée que d'une rumeur de ville, sans aucun son réellement identifiable. Ce bruit de fond cher à la pensée de John Cage est retravaillé au mixage et occupe l'espace sonore de façon permanente pendant tout le film, y compris pendant les silences de la lecture.
Le texte original de cette conférence a été édité pour la première fois en août 1959 dans le recueil Incontri Musicalepuis, en 1961, dans l'ouvrage intitulé Silence. "Composée" comme une partition musicale, cette conférence est structurée en cinq grandes parties, contenant respectivement 7, 6, 14, 14 et 7 unités. Chaque unité est subdivisée en douze lignes comptant chacune 4 mesures. D'après les indications de John Cage, le texte doit être lu de manière rythmique, mais sans artifice, avec le rubato utilisé dans la conversation courante. "This Lecture on Nothing was written in the same rythmic structure I employed at the time in my musical compositions - Sonatas and Interludes, Three Dances, etc... " John Cage. En 2001, Eve Couturier, encouragée par deux amis historiens d’art, Dean Inkster et Christophe Wavelet, fait une traduction française de ce texte sous le titre Conférence sur rien. Elle l’enregistre au printemps 2002. Conjointement, Jean-Jacques Palix a l'idée de réaliser un film pour accompagner la lecture de cette conférence. Le film est réalisé durant l'été 2002.
SEANCES
Lundi 22 janvier à 20h30