PROGRAMMATION NOVEMBRE 2007
Espagne, 1975, 1h55, VOSTF
Avec Géraldine Chaplin, Ana Torrent, Conchita Perez, Maite Sanchez Almendros
Avec Géraldine Chaplin, Ana Torrent, Conchita Perez, Maite Sanchez Almendros
Témoin de la mort de ses parents malgré elle, Ana refuse le monde des adultes et s'invente son univers. Elle s'accroche à ses rêves et ses souvenirs pour faire revivre sa mère et retrouver son amour. Elle remplit son quotidien de jeux qu'elle partage avec ses soeurs. Un témoignage du moment où bascula l’histoire de l’Espagne.
« Il est des films qu'on a peur de revoir. Trente ans après son succès international, qu'aurait donc à nous offrir Crìa Cuervos, dont on ne garde en mémoire,comme la plupart des gens, que quelques images et quelques sons : le visage souriant et désolé de Geraldine Chaplin et surtout, surtout, la chanson phare du film, interprétée par Jeanette, Porque te vas (d'autant que depuis Crìa Cuervos, le cinéma de Carlos Saura ne nous a guère comblés). C'est donc la principale bonne nouvelle : Crìa Cuervos est un très beau et bon film, savamment, patiemment construit, qui nous introduit petit à petit, par des allers et retours temporels multiples, dans la psyché et la mémoire d'une jeune femme qui, en 1995, se souvient de son enfance, de la mort de sa mère puis de son père, de ce qui s'en suivit... Le visage de Geraldine Chaplin (qu'on a revue récemment chez Almodòvar dans Parle avec elle) est toujours là, interrogateur et fragile, un brin (Ingmar pas Ingrid) bergmanien dans la pose, mais il y a aussi et surtout celui, triste et intrigant, presque inquiétant (comme ceux des enfants dans les films fantastiques) d'Ana (Ana Torrent), la petite fille que fut Geraldine Chaplin enfant, qui ne distingue pas vraiment l'imaginaire de la réalité, habitée par les fantômes de son père général franquiste et de sa mère, pianiste de talent (également interprétée par Geraldine Chaplin), qui dut renoncer à sa carrière pour satisfaire les exigences bourgeoises de son fasciste de mari.
Tout cela, nous le découvrons peu à peu, ainsi que ce qui travaillait Ana : tel Archibald de la Cruz, le personnage du film de Bunuel, elle se sentait et se voulait coupable de la mort de ses parents. Mais au fond, ce qu'il y a de plus beau dans Crìa Cuervos, ce sont ses scènes muettes comme l'est la grand-mère d'Ana, et, en somme, ce qui n'y est pas dit du tout mais fièvreusement suggéré : la mort proche de Franco, donc la fin de l'ère franquiste, la maladie d'une vieille Espagne catholique et militaire, en train d'agonir dans les pires souffrances - celles dont elle est elle-même responsable -, laissant ses enfants marqués à jamais par les stigmates de la dictature. C'est là que Carlos Saura frappe le plus fort. Alors, dans cet océan de détresse où Ana, avec ses grands yeux sévères et déjà adultes, n'a que son imaginaire, ses rêves de pouvoirs magiques pour ne pas se laisser noyer, quand soudain la vie semble surgir dans cette ambiance macabre, qu'Ana Torrent, désobéissant à sa tante, se met à danser avec ses deux soeurs sur Porque te vas, alors on pleure. »
Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles
« Il est des films qu'on a peur de revoir. Trente ans après son succès international, qu'aurait donc à nous offrir Crìa Cuervos, dont on ne garde en mémoire,comme la plupart des gens, que quelques images et quelques sons : le visage souriant et désolé de Geraldine Chaplin et surtout, surtout, la chanson phare du film, interprétée par Jeanette, Porque te vas (d'autant que depuis Crìa Cuervos, le cinéma de Carlos Saura ne nous a guère comblés). C'est donc la principale bonne nouvelle : Crìa Cuervos est un très beau et bon film, savamment, patiemment construit, qui nous introduit petit à petit, par des allers et retours temporels multiples, dans la psyché et la mémoire d'une jeune femme qui, en 1995, se souvient de son enfance, de la mort de sa mère puis de son père, de ce qui s'en suivit... Le visage de Geraldine Chaplin (qu'on a revue récemment chez Almodòvar dans Parle avec elle) est toujours là, interrogateur et fragile, un brin (Ingmar pas Ingrid) bergmanien dans la pose, mais il y a aussi et surtout celui, triste et intrigant, presque inquiétant (comme ceux des enfants dans les films fantastiques) d'Ana (Ana Torrent), la petite fille que fut Geraldine Chaplin enfant, qui ne distingue pas vraiment l'imaginaire de la réalité, habitée par les fantômes de son père général franquiste et de sa mère, pianiste de talent (également interprétée par Geraldine Chaplin), qui dut renoncer à sa carrière pour satisfaire les exigences bourgeoises de son fasciste de mari.
Tout cela, nous le découvrons peu à peu, ainsi que ce qui travaillait Ana : tel Archibald de la Cruz, le personnage du film de Bunuel, elle se sentait et se voulait coupable de la mort de ses parents. Mais au fond, ce qu'il y a de plus beau dans Crìa Cuervos, ce sont ses scènes muettes comme l'est la grand-mère d'Ana, et, en somme, ce qui n'y est pas dit du tout mais fièvreusement suggéré : la mort proche de Franco, donc la fin de l'ère franquiste, la maladie d'une vieille Espagne catholique et militaire, en train d'agonir dans les pires souffrances - celles dont elle est elle-même responsable -, laissant ses enfants marqués à jamais par les stigmates de la dictature. C'est là que Carlos Saura frappe le plus fort. Alors, dans cet océan de détresse où Ana, avec ses grands yeux sévères et déjà adultes, n'a que son imaginaire, ses rêves de pouvoirs magiques pour ne pas se laisser noyer, quand soudain la vie semble surgir dans cette ambiance macabre, qu'Ana Torrent, désobéissant à sa tante, se met à danser avec ses deux soeurs sur Porque te vas, alors on pleure. »
Jean-Baptiste Morain, Les Inrockuptibles
SEANCES
Mardi 27 novembre à 20h30
Dimanche 2 décembre à 16h
Mercredi 5 décembre à 18h30
Samedi 8 décembre à 18h
Dimanche 9 décembre à 20h30
Dimanche 2 décembre à 16h
Mercredi 5 décembre à 18h30
Samedi 8 décembre à 18h
Dimanche 9 décembre à 20h30