Le Cinematographe
Le Cinématographe
Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

CYCLES ET RÉTROSPECTIVES

Gertrud


de Carl Theodor Dreyer



PORTRAIT DE FEMMES • AVRIL 2012

Danemark, 1964, 1h59, VOSTF
avec Nina Pens Rode, Bendt Rothe, Ebbe Rode

Gertrud
Gertrud, une ancienne chanteuse mariée à un avocat connu et futur ministre, décide de reprendre sa liberté selon l’accord qui les liait : si leur amour s’éteint, ce droit revenait au devant de la scène. C’est la plupart du temps sur le visage de ses actrices que Dreyer eût motif à s’extasier : nombre de ses films dépeignent une femme qui souffre. Mais, comme le dit Dreyer, Gertrud est "différente des femmes accablées de mes autres films. C’est une femme libre, pleine de caractère, de principes, de volonté, qui refuse le compromis, une femme supérieure aux hommes qui l’entourent".


" Dernier film d'un des dieux du cinéma, Gertrud est un drame bourgeois qui se métamorphose sous nos yeux en une sublime méditation sur la vie et l'engagement amoureux. En décidant de quitter son mari, préoccupé surtout par sa carrière politique, pour un jeune pianiste devenu son amant, la cantatrice Gertrud commence une étrange errance. Plus elle s'égare, plus elle trouve sa voie, et au fil des désillusions, sa ferveur grandit : elle « entre en religion », la religion de l'amour. Femme libre victorieuse ou rêveuse sentimentale condamnée à la solitude, l'héroïne de Dreyer a plus d'un visage. Et l'amour a ici toutes les dimensions : mensonge ou vérité, égoïsme ou partage, c'est une prière qui s'élève ou un cri qui résonne dans un tombeau. Cette ampleur naît d'une mise en scène faussement sage, que beaucoup jugèrent figée dans l'académisme au moment de la sortie du film. Mais le mouvement est constant, subtil et bouleversant comme celui d'une œuvre musicale : ce « cinéma de chambre » a la force d'une symphonie lyrique. Ce qui fit dire à Godard : « Gertrud est égal, en folie et en beauté, aux dernières œuvres de Beethoven. ». "
Frédéric Strauss, Télérama


" La quintessence de l'art de Dreyer, cinéaste de l'absolu et de la transcendance, ou l'histoire d'une cantatrice qui vit l'amour comme une religion.(...) Noir et blanc délicat en dégradés de gris, plans-séquences, indicible intensité et malaise pénétrant. Tout cela fait ressembler les films de Bergman à du théâtre de boulevard. Ce dernier film de Dreyer fut sans doute un échec commercial en raison de son profond raffinement et de sa beauté trop discrète. Du théâtre filmé, certes, puisque c'est l'adaptation d'une pièce (de Hjalmar Soderberg), mais Dreyer gomme tout effet ostentatoire lié à cet art de l'expression, qui repose en partie sur la projection verbale. Le cinéaste, lui, filme l'intériorité, le silence, ce qui se dit entre les mots. Ici, le présent n'est rien. C'est le passé qui occupe l'héroïne, et qui s'explicite au moment où elle retrouve le poète Lidman. Gertrud met clairement en équation l'art et l'amour quand elle comprend que Lidman l'a aimée égoïstement pour alimenter sa propre inspiration poétique, alors qu'elle a sacrifié son métier à sa vie sentimentale. Résignée à la mélancolie et à la solitude, elle finira sa vie en réaffirmant que l'amour est la valeur suprême. Dans ce film qui est à la fois son chant du cygne et son art poétique, Dreyer célèbre autant le credo pur et intransigeant de Gertrud pour l'amour que celui de l'écrivain ­ auquel on peut identifier le cinéaste ­ qui met son âme dans la description de la passion plutôt que dans la passion elle-même. "
Vincent Ostria, Les Inrockuptibles




Séances

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