HOLLYWOOD SUR HOLLYWOOD • JUIN - JUILLET 2012
France-Pologne-USA, 2006, 2h59, VOSTF
avec Laura Dern, Justin Theroux, Harry Dean Stanton, Jeremy Irons, William H. Macy
avec Laura Dern, Justin Theroux, Harry Dean Stanton, Jeremy Irons, William H. Macy
"Une histoire de mystère. Au cœur de ce mystère, une femme amoureuse et en pleine tourmente." Ainsi David Lynch résume-t-il Inland Empire. L'éblouissante Laura Dern interprète cette actrice qui s’apprête à tourner dans le remake d’un film maudit qui n’avait jamais pu être achevé et qui fini par perdre le contrôle d'elle-même lors du tournage. Inland Empire c'est une plongée fascinante dans un trou noir, un glissement permanent entre les rêves, les cauchemars, l’inconscient et les possibilités infinies de la fiction, des fantasmes, de l’imagination et du cinéma.
"(...) Inland Empire évoque un concentré de la filmographie lynchienne, tant y tournoient les figures et les signes qu’on associe en général à l’auteur de Twin Peaks. Pourtant, mieux vaut être prévenu : profondément, ce nouveau film est moins une œuvre de continuation que de rupture. En tout cas, pas une énième déclinaison de la formule qui a atteint avec Lost Highway, et plus encore avec Mulholland Drive, un degré d’accomplissement éblouissant, peut-être indépassable. Aujourd’hui les êtres et les choses filmés par David Lynch n’ont plus la texture romanesque qu’ils avaient. Ce glamour hollywoodien qui restait chevillé au corps des personnages, jusque dans les pires turpitudes, a complètement déserté, et cela change tout. Avec les mêmes ingrédients qu’avant, Lynch invente vraiment autre chose. C’est une affaire de photographie – le film est entièrement tourné en numérique, au grain sans pitié –, mais pas seulement. Le cinéaste se dispense cette fois d’installer sa fiction avant de la dérégler : il n’y a presque rien de classiquement narratif à quoi se raccrocher. D’emblée, le quotidien de l’actrice jouée par Laura Dern est irréel de vide, comme son immense demeure à Los Angeles. Les préparatifs de son nouveau film, la jalousie de son mari vis-à-vis de la co-star masculine ont quelque chose de mécanique, de dérisoire. Lorsqu’on apprend que le film en chantier est le remake d’un autre, interrompu autrefois à la suite de la mort de ses interprètes, les quelques repères à peu près rationnels qui balisaient ce début d’histoire s’évanouissent. Le champ est libre pour ce qui fait la spécificité d’Inland Empire : c’est le premier film de Lynch presque entièrement voué à ces images mentales qui lézardaient seulement les précédents opus. Ces images telles que chacun les forme entre veille et sommeil : volatiles, grotesques, terrifiantes, empreintes d’une signification qu’on est sans cesse au bord de tirer au clair mais qui toujours s’échappe. "Découvrir quelque chose" est un leitmotiv incantatoire dans la voix off de Laura Dern. Inland Empire ressemble à un documentaire sur le flux de pensées et de visions qui traverse le cerveau de son personnage.
(...)Une telle expérience revient évidemment à mettre en doute la notion de réalité. A un moment, Laura Dern, absolument démente (seize ans après Sailor et Lula), s’égare dans un dédale de couloirs et d’escaliers, et débouche sur le plateau du fameux film en préparation. Elle aperçoit alors les membres de l’équipe du film, elle comprise (!), en plein travail, juste dérangés par un bruit qui, justement, ne peut venir que d’elle, qui "les" regarde. Nous, spectateurs, avons déjà assisté à cette scène, filmée du point de vue de l’équipe du film, déjà intriguée par le bruit mystérieux… Ce genre de haute voltige, à la fois ultra ludique et vertigineuse donne une idée du trip que propose Inland Empire, "empire de l’intérieur" mais cinéma des confins."
Louis Guichard, Télérama
"(...) Inland Empire évoque un concentré de la filmographie lynchienne, tant y tournoient les figures et les signes qu’on associe en général à l’auteur de Twin Peaks. Pourtant, mieux vaut être prévenu : profondément, ce nouveau film est moins une œuvre de continuation que de rupture. En tout cas, pas une énième déclinaison de la formule qui a atteint avec Lost Highway, et plus encore avec Mulholland Drive, un degré d’accomplissement éblouissant, peut-être indépassable. Aujourd’hui les êtres et les choses filmés par David Lynch n’ont plus la texture romanesque qu’ils avaient. Ce glamour hollywoodien qui restait chevillé au corps des personnages, jusque dans les pires turpitudes, a complètement déserté, et cela change tout. Avec les mêmes ingrédients qu’avant, Lynch invente vraiment autre chose. C’est une affaire de photographie – le film est entièrement tourné en numérique, au grain sans pitié –, mais pas seulement. Le cinéaste se dispense cette fois d’installer sa fiction avant de la dérégler : il n’y a presque rien de classiquement narratif à quoi se raccrocher. D’emblée, le quotidien de l’actrice jouée par Laura Dern est irréel de vide, comme son immense demeure à Los Angeles. Les préparatifs de son nouveau film, la jalousie de son mari vis-à-vis de la co-star masculine ont quelque chose de mécanique, de dérisoire. Lorsqu’on apprend que le film en chantier est le remake d’un autre, interrompu autrefois à la suite de la mort de ses interprètes, les quelques repères à peu près rationnels qui balisaient ce début d’histoire s’évanouissent. Le champ est libre pour ce qui fait la spécificité d’Inland Empire : c’est le premier film de Lynch presque entièrement voué à ces images mentales qui lézardaient seulement les précédents opus. Ces images telles que chacun les forme entre veille et sommeil : volatiles, grotesques, terrifiantes, empreintes d’une signification qu’on est sans cesse au bord de tirer au clair mais qui toujours s’échappe. "Découvrir quelque chose" est un leitmotiv incantatoire dans la voix off de Laura Dern. Inland Empire ressemble à un documentaire sur le flux de pensées et de visions qui traverse le cerveau de son personnage.
(...)Une telle expérience revient évidemment à mettre en doute la notion de réalité. A un moment, Laura Dern, absolument démente (seize ans après Sailor et Lula), s’égare dans un dédale de couloirs et d’escaliers, et débouche sur le plateau du fameux film en préparation. Elle aperçoit alors les membres de l’équipe du film, elle comprise (!), en plein travail, juste dérangés par un bruit qui, justement, ne peut venir que d’elle, qui "les" regarde. Nous, spectateurs, avons déjà assisté à cette scène, filmée du point de vue de l’équipe du film, déjà intriguée par le bruit mystérieux… Ce genre de haute voltige, à la fois ultra ludique et vertigineuse donne une idée du trip que propose Inland Empire, "empire de l’intérieur" mais cinéma des confins."
Louis Guichard, Télérama
Séances
Jeudi 14 juin 2012 à 20:30
Dimanche 17 juin 2012 à 15:45
Lundi 18 juin 2012 à 20:30
Dimanche 17 juin 2012 à 15:45
Lundi 18 juin 2012 à 20:30