Le Cinematographe
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Le Cinématographe, salle de cinéma à Nantes et Education à l'image

Archives 2001-2011

L'HOMME QUI RÉTRÉCIT (THE INCREDIBLE SHRINKING MAN)


de Jack Arnold



PROGRAMMATION MARS 2008

USA, 1957, 1H31,VOSTF
Avec Grant Williams, Randy Stuart

L'HOMME QUI RÉTRÉCIT (THE INCREDIBLE SHRINKING MAN)
Après avoir été exposé à une émission gazeuse, Scott Carey commence à rétrécir, sans que les médecins ne trouvent une solution. Il vit dans une maison de poupée et affronte de nombreux dangers, comme son propre chat. Des effets spéciaux certes imparfaits, mais efficaces !


" Vers la fin des années 50, Jack Arnold s'est affirmé comme le principal artisan d'un nouvel âge d'or de la SF américaine, propice à un questionnement inquiet de la science (Tarantula), où le regard documentaire ­ Arnold fut l'assistant de Flaherty ­ se posait sur la beauté des monstres (L'Etrange créature du lac noir). Loin de la SF belliciste et nationaliste en vogue à cette époque, les films de Jack Arnold témoignent d'une approche humaniste du genre ­ le très réussi Météore de la nuit, à l'origine de la vocation de cinéaste de John Carpenter. Mais L'Homme qui rétrécit, écrit par Richard Matheson d'après son propre roman, demeure sans conteste le chef-d'oeuvre du réalisateur.
Lors d'un week-end en bateau avec sa femme, Scott Carey traverse un nuage radioactif qui, adjoint à un précédent jet de pesticides, bouleverse sa structure moléculaire, provoquant sa diminution progressive ! Après une série de tests, la science avoue son impuissance à enrayer l'inexorable processus. Harcelé par les médias, Carey se terre dans sa maison, de la taille d'un enfant, puis d'une poupée, puis d'un soldat de plomb. Tandis que sa femme le croit dévoré par son chat, commence pour Carey, dans la cave transformée en territoire préhistorique, une nouvelle existence rythmée par la quête de la nourriture et la lutte pour la survie. Au terme d'un combat acharné contre une araignée, Carey se fond littéralement dans l'univers et le plan final, superposant poussières et galaxies, anticipe de dix ans l'épilogue de 2001.
L'Homme qui rétrécit n'a pas pris une ride, tant au niveau de ses effets spéciaux, plus que parfaits, que par sa concision narrative. Aucune digression ne nous détourne du destin tragique de Carey, à la différence des nombreuses séries B de SF, noyées dans les intrigues périphériques ou les bavardages oiseux. Le film, raconté à la première personne, est un journal de bord où chaque incipit de chapitre coïncide avec une nouvelle rupture scalaire : un contrechamp différé procure un choc malséant lorsqu'on découvre finalement Carey réduit de moitié, perdu dans un fauteuil immense, le regard triste et apeuré. Le film devient alors terrifiant dans la mise à nu d'un homme qui constate sa propre médiocrité à rebours, à l'instant où sa vie s'écroule. Il faudra que Carey rapetisse pour qu'il ressente combien il était petit avant.
Jack Arnold se livre à une satire discrète mais radicale de la middle class : Carey, homme sans qualité, subit la domination de son frère aîné et employeur qui l'écarte de son poste, lui suggère cyniquement de négocier auprès des journalistes son infortune, puis embarque sa femme. Scott Carey est donc déjà un minus, et son anéantissement inattendu n'apporte que la confirmation par l'absurde de sa nullité préalable. Le film constitue également une redoutable description de la médiocrité conjugale, dans laquelle la miniaturisation du mâle apparaît comme l'aboutissement logique. Précédé d'une complicité niaise entre les deux jeunes mariés (la conversation humoristique sur le bateau), le handicap de Carey confirme son infantilisation par une épouse anormalement maternelle. Les signes de castration et d'impuissance abondent : l'alliance de Carey glisse le long de son doigt juste après que sa femme lui a juré fidélité. L'image du couple monstrueusement désaccordé dans la chambre à coucher nous rappelle cette nouvelle de Bukowski, où un homme s'imaginait dans son cauchemar transformé en godemiché entre les jambes d'une femme.
A insi, parallèlement à la poésie immédiate des images du film, qui exploitent à la perfection le dérèglement dimensionnel de notre univers domestique, sourd une angoisse qui confère
au film son statut de conte cruel et définitivement adulte. Jack Arnold dut tenir tête à son producteur afin que la linéarité irréversible du destin de Scott Carey soit maintenue et donne heureusement toute sa valeur à ce grand film. Minable parmi les minables, Carey accède enfin à la dimension inespérée d'être unique, de héros. En rejoignant l'univers des atomes, il se trouve en mesure de proclamer à l'instar d'un autre héros de Richard Matheson : "Je suis une légende." "
Olivier Père, Les Inrockuptibles

Séances

mercredi 26 mars à 15h
vendredi 28 mars à 18h30
dimanche 30 mars à 14h30