PROGRAMMATION MARS 2007
France, 1981, 1h46
Avec Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Henri Garcin, Michèle Baumgartner, Véronique Silver
Avec Gérard Depardieu, Fanny Ardant, Henri Garcin, Michèle Baumgartner, Véronique Silver
Ayant autrefois vécu des amours ombrageuses, Bernard et Mathilde, par le plus pur des hasards, se trouvent être voisins. Même s'ils sont mariés tous deux, leur destin se croisent à nouveau... Truffaut déploie dans ce film une extraordinaire maîtrise et un style d'une perfection inégalée pour rester à distance de cette œuvre sombre où rien ne semble pouvoir contrôler ou apaiser la force des passions.
« Ce qui est admirable dans le film de Truffaut, c’est d’avoir mené cette progression jusqu’à son terme : partir de deux personnages banals, ordinaires, exempts de toute originalité, totalement "intégrés" à leur milieu social, non pour les entraîner vers des aventures hors du commun qui les singulariseraient, leur permettraient d’échapper à leur destin, suscitant ainsi l’identification du spectateur comme le ferait le cinéma hollywoodien, mais pour redoubler au contraire cette banalité de leurs relations amoureuses, pour réaffirmer leur identité jusqu’à ce qu’elles n’en redeviennent plus qu’une, partagée par les amants, jusqu’à ce qu’elle parvienne à cette indifférenciation que postule l’amour. (...) Que l’on veuille faire qu’un, régresser, se fondre dans l’autre dans un monde qui avance, progresse, se subdivise toujours plus dans ses formes et ses désirs, voilà ce qui est insupportable et insoutenable. Le "désir", à côté, qu’on croit souvent, dans ses manifestations perverses, transgressif, est une forme ô combien plus sociale et rassurante ! La Femme d’à côté va jusqu’au bout de ce thème si rare au cinéma, qui met en péril le fonctionnement spectatoriel essentiel : celui de l’identification aux protagonistes que leur identité, l’image du double, risque de barrer beaucoup plus radicalement que l’habituelle exacerbation des différences (sous le monstre, on retrouve l’homme alors qu’on ne trouve rien derrière le double). »
Pascal Kané, Les Cahiers du cinéma
« Truffaut présentait La femme d'à côté comme l'histoire limpide d'une passion amoureuse moderne. Il y déploie pourtant une extraordinaire maîtrise et un style d'une perfection inégalée pour rester à distance de cette œuvre sombre où rien ne semble pouvoir contrôler ou apaiser la force des passions. Mathilde et Bernard, en reprenant leur liaison, basculent dans un passé tragique qu'ils croyaient avoir exorcisé. Madame Jouve qui fuit le retour de son ancien amant pour lequel, vingt ans avant, elle avait voulu mourir en se jetant dans le vide et qui garde dans son corps les stigmates de cette passion, présente la seule alternative civilisée à la force archaïque des passions. Dès la fin du générique, c'est à elle que Truffaut délègue la mise en forme du récit : elle sera narratrice et témoin de l'irruption du désordre passionnel dans l'ordre social. (…) Tout le film suit le cours d'un mouvement régressif où Mathilde, figure de la mère archaïque et possessive, vient reprendre son fils, l'arracher à l'ordre social pour recréer avec lui une relation duelle qui les mènera à la mort. À la fin du film, elle tuera Bernard en lui tirant une balle dans la tête au cours de rapports sexuels. Le corps inerte de ce dernier s'effondrera littéralement entre les jambes de Mathilde, suggérant un retour de cet homme adulte au ventre maternel et au néant. Séparés, définis, identifiables au début du récit, Bernard et Mathilde se laisseront peu à peu entraîner dans un tourbillon vertigineux qui amènera leur fusion mortelle dans la dernière image. Jumeaux, doubles monstrueux, les amants projettent au sein d'une société paisible l'image insupportable d'un rapport symbiotique où les identités se trouvent inextricablement mêlées, où dépendance, besoin et manipulation mutuels sont privilégiés. Cette relation de nature régressive se modèle sur celle que l'enfant entretient avec sa mère. Placée sous le signe d'un désir illimité, elle enferme le couple dans le cycle infernal d'un mal que rien ne peut jamais apaiser. »
Ciné-club de Caen
« Après Le Dernier métro, qui mettait en présence six ou sept personnages d’importance égale, j’ai voulu revenir à la discipline inverse avec une histoire plus serrée construite autour d’un couple. J’ai volontairement gardé les conjoints à l’arrière-plan, choisissant d’avantager un personnage de confidente qui lance l’histoire et lui donne sa conclusion : "Ni avec toi, ni sans toi". (…) Il a fallu qu’un soir de janvier, j’assiste à la rencontre de Gérard Depardieu et Fanny Ardent pour me dire, les voyant côte à côte : voilà les amants qu’il me faut. J’ai l’espoir que le spectateur ne sera pas tenté de prendre parti, de donner tort à l’un et raison à l’autre, mais qui les aimera tous les deux comme je les aime. »
François Truffaut
« Ce qui est admirable dans le film de Truffaut, c’est d’avoir mené cette progression jusqu’à son terme : partir de deux personnages banals, ordinaires, exempts de toute originalité, totalement "intégrés" à leur milieu social, non pour les entraîner vers des aventures hors du commun qui les singulariseraient, leur permettraient d’échapper à leur destin, suscitant ainsi l’identification du spectateur comme le ferait le cinéma hollywoodien, mais pour redoubler au contraire cette banalité de leurs relations amoureuses, pour réaffirmer leur identité jusqu’à ce qu’elles n’en redeviennent plus qu’une, partagée par les amants, jusqu’à ce qu’elle parvienne à cette indifférenciation que postule l’amour. (...) Que l’on veuille faire qu’un, régresser, se fondre dans l’autre dans un monde qui avance, progresse, se subdivise toujours plus dans ses formes et ses désirs, voilà ce qui est insupportable et insoutenable. Le "désir", à côté, qu’on croit souvent, dans ses manifestations perverses, transgressif, est une forme ô combien plus sociale et rassurante ! La Femme d’à côté va jusqu’au bout de ce thème si rare au cinéma, qui met en péril le fonctionnement spectatoriel essentiel : celui de l’identification aux protagonistes que leur identité, l’image du double, risque de barrer beaucoup plus radicalement que l’habituelle exacerbation des différences (sous le monstre, on retrouve l’homme alors qu’on ne trouve rien derrière le double). »
Pascal Kané, Les Cahiers du cinéma
« Truffaut présentait La femme d'à côté comme l'histoire limpide d'une passion amoureuse moderne. Il y déploie pourtant une extraordinaire maîtrise et un style d'une perfection inégalée pour rester à distance de cette œuvre sombre où rien ne semble pouvoir contrôler ou apaiser la force des passions. Mathilde et Bernard, en reprenant leur liaison, basculent dans un passé tragique qu'ils croyaient avoir exorcisé. Madame Jouve qui fuit le retour de son ancien amant pour lequel, vingt ans avant, elle avait voulu mourir en se jetant dans le vide et qui garde dans son corps les stigmates de cette passion, présente la seule alternative civilisée à la force archaïque des passions. Dès la fin du générique, c'est à elle que Truffaut délègue la mise en forme du récit : elle sera narratrice et témoin de l'irruption du désordre passionnel dans l'ordre social. (…) Tout le film suit le cours d'un mouvement régressif où Mathilde, figure de la mère archaïque et possessive, vient reprendre son fils, l'arracher à l'ordre social pour recréer avec lui une relation duelle qui les mènera à la mort. À la fin du film, elle tuera Bernard en lui tirant une balle dans la tête au cours de rapports sexuels. Le corps inerte de ce dernier s'effondrera littéralement entre les jambes de Mathilde, suggérant un retour de cet homme adulte au ventre maternel et au néant. Séparés, définis, identifiables au début du récit, Bernard et Mathilde se laisseront peu à peu entraîner dans un tourbillon vertigineux qui amènera leur fusion mortelle dans la dernière image. Jumeaux, doubles monstrueux, les amants projettent au sein d'une société paisible l'image insupportable d'un rapport symbiotique où les identités se trouvent inextricablement mêlées, où dépendance, besoin et manipulation mutuels sont privilégiés. Cette relation de nature régressive se modèle sur celle que l'enfant entretient avec sa mère. Placée sous le signe d'un désir illimité, elle enferme le couple dans le cycle infernal d'un mal que rien ne peut jamais apaiser. »
Ciné-club de Caen
« Après Le Dernier métro, qui mettait en présence six ou sept personnages d’importance égale, j’ai voulu revenir à la discipline inverse avec une histoire plus serrée construite autour d’un couple. J’ai volontairement gardé les conjoints à l’arrière-plan, choisissant d’avantager un personnage de confidente qui lance l’histoire et lui donne sa conclusion : "Ni avec toi, ni sans toi". (…) Il a fallu qu’un soir de janvier, j’assiste à la rencontre de Gérard Depardieu et Fanny Ardent pour me dire, les voyant côte à côte : voilà les amants qu’il me faut. J’ai l’espoir que le spectateur ne sera pas tenté de prendre parti, de donner tort à l’un et raison à l’autre, mais qui les aimera tous les deux comme je les aime. »
François Truffaut
SEANCES
vendredi 9 mars à 19h30
SÉANCE SUIVIE D’UNE LEÇON DE CINÉMA DE NICOLAS THÉVENIN, SOCIOLOGUE DU CINÉMA ET FORMATEUR ÉCOLE & CINÉMA
SÉANCE SUIVIE D’UNE LEÇON DE CINÉMA DE NICOLAS THÉVENIN, SOCIOLOGUE DU CINÉMA ET FORMATEUR ÉCOLE & CINÉMA