PROGRAMMATION JUIN-JUILLET 2007
USA, 1958, 1h54, VOSTF
Avec Kirk Douglas, Tony Curtis, Ernest Borgnine, Janet Leigh, James Donald, Alexander Knox
Avec Kirk Douglas, Tony Curtis, Ernest Borgnine, Janet Leigh, James Donald, Alexander Knox
Vers l'an 900, le Prince Einar est l'unique fils et héritier de Dragnar, chef Viking sanguinaire. Prince Eric est son frère secret, le fruit de l'union illégitime de Dragnar et d'une reine anglaise. Les deux hommes vont se déchirer et s'affronter pour le coeur d'une princesse... Une odyssée plastique, une expérience particulière de l’image, un souffle physique pur qui transforme la fresque historique.
« En exagérant à peine, on voit bien que Fleischer invente le filmage en scope. Preminger ? Ray ? Kazan ? Bien sûr. Et d’autres. Mais l’œil de Fleischer se passionne pour le défi de ce rectangle vierge d’histoire filmique et en explore très vite, et seul, toutes les possibilités. (…) Fleischer évite la frontalité. Ses compositions affichent des diagonales, variées, simples ou complexes : il faut qu’une puissance conflictuelle de l’image anime l’œil du spectateur. La perspective tracée recèle alors une énergie excitante. Le cadrage de Fleischer oblige l’œil à voyager dans l’image. À suivre la composition des groupes armés (l’avancée vers le château d’Aella). Mais encore à s’enfoncer dans la profondeur. Profondeur simple si groupes et personnages se répondent simplement. Mais aussi profondeur complexe et touffue. L’image privilégie les voûtes, les tunnels, les porches, tout ce qui déplace l’action au fond. L’œil doit aller la chercher. Des objets, des corps occupent l’avant de l’image. Ils la bouchent pour sculpter la profondeur, mais ils déclinent aussi l’horizontalité. Le dynamisme est complet : il faut suivre ce qui bouge à l’avant et bouche l’arrière, et aller chercher dans cette profondeur l’action souvent la plus importante. Elle-même est mobile, parfois déferle vers l’avant. Les angles les plus complexes (en plongée et contre-plongée très marquées) détachent spectaculairement l’instinct du relief. Le duel final sur les hauteurs du château marie la géométrie minérale, qui vient contrer avec énergie les frontières horizontales du scope, avec une sauvage impression de relief, forgée par l’angle et l’accroche optique des pierres sculptées. On réalise combien Fleischer use des décors comme des végétations pour creuser le scope. (…) Effet spécial de la surimpression, effet de tunnel, immersion élastique de l’image. Relief baroque, dynamique, transformant l’artifice en appétit supplémentaire de possibles aventures optiques. Fleischer trace pour l’œil la carte d’un monde en trois dimensions où habitent les péripéties de l’histoire principale. (…) Sans théorie, Fleisher retrouve le langage épique de l’épopée et des fresques soviétiques, de manière très immédiate. La fureur et la sève du film jaillissent du lien et du conflit des plans. De larges unités de couleurs et des ensembles poétiques en unifient les décors et les chapitres. Mais au-dedans, les compositions, les contenus, les tailles de plans s’opposent violemment, créent tantôt des chocs, tantôt des rimes. Contenus de plans (postures, objets, armes, emblèmes) engendrent des échos précis, et des mouvements d’appareil se déclinent en quelques figures (panoramiques des gouffres et des tours, travellings de l’avancée viking, effet de grue cérémonielle) énoncées comme motifs dominants. Une sorte de dessin baroque, arabesque, motif centrifuge et néanmoins agrégat de symétries, compose le récit, explorant l’histoire comme les puissances du scope s’offrent à l’œil en des traversées élastiques. L’architecture du film donne l’impression d’un monument achevé et souple : en fait, le style visuel en relief révèle une manière de penser, et l’univers du film se donne par entrées multiples, en perpétuelle mobilité. Les mondes de Fleischer fusionnent mythes et réalités sociales. Le lien entre les deux est d’ordre physique, érotique, panique, l’excès physique débouchant sur la perversion ou la fureur. Ailleurs, les héros de Fleischer sont déments et criminels. Ici, leur fureur remplit de vie des mondes qui finissent ou surgissent. Fleischer souligne les présences mythiques réclamées par son récit épique. Odin et ses mystères guident l’histoire, tirant les ficelles du mélodrame. Éric perd sa main, Einar son œil, tel le Wotan wagnérien. Perte mythique : l’on abandonne toujours une part de sa chair pour saisir une vérité supérieure et se dépasser. Dans les vies rêvées de la fiction, l’œil voit toujours mieux en s’arrachant ou en s’abîmant. »
Pierre Berthomieu, Positif
« En exagérant à peine, on voit bien que Fleischer invente le filmage en scope. Preminger ? Ray ? Kazan ? Bien sûr. Et d’autres. Mais l’œil de Fleischer se passionne pour le défi de ce rectangle vierge d’histoire filmique et en explore très vite, et seul, toutes les possibilités. (…) Fleischer évite la frontalité. Ses compositions affichent des diagonales, variées, simples ou complexes : il faut qu’une puissance conflictuelle de l’image anime l’œil du spectateur. La perspective tracée recèle alors une énergie excitante. Le cadrage de Fleischer oblige l’œil à voyager dans l’image. À suivre la composition des groupes armés (l’avancée vers le château d’Aella). Mais encore à s’enfoncer dans la profondeur. Profondeur simple si groupes et personnages se répondent simplement. Mais aussi profondeur complexe et touffue. L’image privilégie les voûtes, les tunnels, les porches, tout ce qui déplace l’action au fond. L’œil doit aller la chercher. Des objets, des corps occupent l’avant de l’image. Ils la bouchent pour sculpter la profondeur, mais ils déclinent aussi l’horizontalité. Le dynamisme est complet : il faut suivre ce qui bouge à l’avant et bouche l’arrière, et aller chercher dans cette profondeur l’action souvent la plus importante. Elle-même est mobile, parfois déferle vers l’avant. Les angles les plus complexes (en plongée et contre-plongée très marquées) détachent spectaculairement l’instinct du relief. Le duel final sur les hauteurs du château marie la géométrie minérale, qui vient contrer avec énergie les frontières horizontales du scope, avec une sauvage impression de relief, forgée par l’angle et l’accroche optique des pierres sculptées. On réalise combien Fleischer use des décors comme des végétations pour creuser le scope. (…) Effet spécial de la surimpression, effet de tunnel, immersion élastique de l’image. Relief baroque, dynamique, transformant l’artifice en appétit supplémentaire de possibles aventures optiques. Fleischer trace pour l’œil la carte d’un monde en trois dimensions où habitent les péripéties de l’histoire principale. (…) Sans théorie, Fleisher retrouve le langage épique de l’épopée et des fresques soviétiques, de manière très immédiate. La fureur et la sève du film jaillissent du lien et du conflit des plans. De larges unités de couleurs et des ensembles poétiques en unifient les décors et les chapitres. Mais au-dedans, les compositions, les contenus, les tailles de plans s’opposent violemment, créent tantôt des chocs, tantôt des rimes. Contenus de plans (postures, objets, armes, emblèmes) engendrent des échos précis, et des mouvements d’appareil se déclinent en quelques figures (panoramiques des gouffres et des tours, travellings de l’avancée viking, effet de grue cérémonielle) énoncées comme motifs dominants. Une sorte de dessin baroque, arabesque, motif centrifuge et néanmoins agrégat de symétries, compose le récit, explorant l’histoire comme les puissances du scope s’offrent à l’œil en des traversées élastiques. L’architecture du film donne l’impression d’un monument achevé et souple : en fait, le style visuel en relief révèle une manière de penser, et l’univers du film se donne par entrées multiples, en perpétuelle mobilité. Les mondes de Fleischer fusionnent mythes et réalités sociales. Le lien entre les deux est d’ordre physique, érotique, panique, l’excès physique débouchant sur la perversion ou la fureur. Ailleurs, les héros de Fleischer sont déments et criminels. Ici, leur fureur remplit de vie des mondes qui finissent ou surgissent. Fleischer souligne les présences mythiques réclamées par son récit épique. Odin et ses mystères guident l’histoire, tirant les ficelles du mélodrame. Éric perd sa main, Einar son œil, tel le Wotan wagnérien. Perte mythique : l’on abandonne toujours une part de sa chair pour saisir une vérité supérieure et se dépasser. Dans les vies rêvées de la fiction, l’œil voit toujours mieux en s’arrachant ou en s’abîmant. »
Pierre Berthomieu, Positif
SEANCES
jeudi 5 juillet à 19h
dimanche 8 juillet à 18h30
mardi 10 juillet à 19h
dimanche 8 juillet à 18h30
mardi 10 juillet à 19h