RÉTROSPECTIVE JOHN CASSAVETES • FÉVRIER 2013
USA, 1976, 1h48, VOSTF
avec Ben Gazzara, Timothy Carey, Seymour Casselc
RÉÉDITION
avec Ben Gazzara, Timothy Carey, Seymour Casselc
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Patron d'une boîte de strip-tease de Los Angeles, Cosmo Vitelli est un homme heureux. Il aime son métier et vient de finir de payer ses dernières traites. Mais il contracte une nouvelle dette de jeu auprès de la Mafia...
Polar crépusculaire, où Cassavetes filme un Los Angeles presque désert dans lequel rôdent des tueurs déglingués. Cosmo Vitelli prototype du self-mademan qui essaie de préserver son indépendance financière sans y parvenir devient l'autoportrait du cinéaste en artisan, guidé par son désir d’autonomie mais guetté par les puissances d’argent.
"Film noir ? Si l'on tient à l'intrigue - un homme seul cerné par un gang - assurément. Mais d'un dépouillement qu'Hollywood ne tolérerait jamais : aux côtés des mafieux de Cassavates, ceux de Scorsese, pourtant déjà passablement démythifiés, semblent folkloriques. Ici, les méchants ne forcent pas la note, les affreux suent l'ennemi et la médiocrité. Et les contrats se négocient sur le formica. Cosmo lui-même n'est qu'un besogneux de la nuit, un petit indépendant qui n'aurait pas la pointure, mais qui cherche malgré tout, dans cet univers triste et sans glamour, à maintenir une parcelle de rêve. Il est pathétique son appel téléphonique au Crazy, à quelques minutes du meurtre qu'il doit commettre, comme s'il éprouvait le besoin de se raccrocher à son illusion, et de trouver désespérément une justification à son acte. Cosmo est comme tous les héros de Cassavates : dérisoire et sublime. Un homme sous influence, évidemment. Qui subit sa petite vie minable et tente seulement de la mener avec dignité, de lui donner un semblant de panache. Jusqu'à l'approche de la mort : alors, s'il refuse de la regarder en face, du moins s'empresse-t-il de vivre en quelques heures ce qu'il n'a jamais vécu. Il parle à Betty, la mère de son amie, à ses girls et à son public, comme il ne leur avait jamais parlé. Il trouve les mots d'amour qu'il n'avait jamais dit. Des torrents d'amour, trop longtemps contenus. "Nous, inonderons la scène de nos larmes", dit-il. Il devient bouleversant. Commment comprendre le sort réservé à ce film, lors de sa première sortie ? Echec d'autant plus cruel qu'il est, non seulement parfaitement "Cassavatien", mais aussi, dans sa trajectoire, emblématique de toute la carrière du cinéaste. Comme Cosmo, Cassavates aimait les coups de poker : chacun de ses films en était un. Comme Cosmo, Cassavetes refusait la loi de la grande mafia : trop jaloux de son indépendance pour accepter les diktats d'Hollywood. Comme Cosmo, Cassavetes pouvait compter sur "sa" famille : au bout de la nuit, tous deux savent qu'il n'y a que l'amour et qu'ils n'ont rien d'autre à donner. Même s'ils laissent un meneur de revue, un pauvre clown, M. Sophistication, le dire à leur place : "I can't give you anything but love".
Vincent Remy , Télérama
Polar crépusculaire, où Cassavetes filme un Los Angeles presque désert dans lequel rôdent des tueurs déglingués. Cosmo Vitelli prototype du self-mademan qui essaie de préserver son indépendance financière sans y parvenir devient l'autoportrait du cinéaste en artisan, guidé par son désir d’autonomie mais guetté par les puissances d’argent.
"Film noir ? Si l'on tient à l'intrigue - un homme seul cerné par un gang - assurément. Mais d'un dépouillement qu'Hollywood ne tolérerait jamais : aux côtés des mafieux de Cassavates, ceux de Scorsese, pourtant déjà passablement démythifiés, semblent folkloriques. Ici, les méchants ne forcent pas la note, les affreux suent l'ennemi et la médiocrité. Et les contrats se négocient sur le formica. Cosmo lui-même n'est qu'un besogneux de la nuit, un petit indépendant qui n'aurait pas la pointure, mais qui cherche malgré tout, dans cet univers triste et sans glamour, à maintenir une parcelle de rêve. Il est pathétique son appel téléphonique au Crazy, à quelques minutes du meurtre qu'il doit commettre, comme s'il éprouvait le besoin de se raccrocher à son illusion, et de trouver désespérément une justification à son acte. Cosmo est comme tous les héros de Cassavates : dérisoire et sublime. Un homme sous influence, évidemment. Qui subit sa petite vie minable et tente seulement de la mener avec dignité, de lui donner un semblant de panache. Jusqu'à l'approche de la mort : alors, s'il refuse de la regarder en face, du moins s'empresse-t-il de vivre en quelques heures ce qu'il n'a jamais vécu. Il parle à Betty, la mère de son amie, à ses girls et à son public, comme il ne leur avait jamais parlé. Il trouve les mots d'amour qu'il n'avait jamais dit. Des torrents d'amour, trop longtemps contenus. "Nous, inonderons la scène de nos larmes", dit-il. Il devient bouleversant. Commment comprendre le sort réservé à ce film, lors de sa première sortie ? Echec d'autant plus cruel qu'il est, non seulement parfaitement "Cassavatien", mais aussi, dans sa trajectoire, emblématique de toute la carrière du cinéaste. Comme Cosmo, Cassavates aimait les coups de poker : chacun de ses films en était un. Comme Cosmo, Cassavetes refusait la loi de la grande mafia : trop jaloux de son indépendance pour accepter les diktats d'Hollywood. Comme Cosmo, Cassavetes pouvait compter sur "sa" famille : au bout de la nuit, tous deux savent qu'il n'y a que l'amour et qu'ils n'ont rien d'autre à donner. Même s'ils laissent un meneur de revue, un pauvre clown, M. Sophistication, le dire à leur place : "I can't give you anything but love".
Vincent Remy , Télérama
Séances
Jeudi 7 février 2013 à 18:15
Dimanche 10 février 2013 à 21:15
Samedi 16 février 2013 à 19:00
Vendredi 22 février 2013 à 20:45
Dimanche 24 févirer 2013 à 14:30
Dimanche 10 février 2013 à 21:15
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