LA LOI DU GENRE • 2012/2013 • MÉCHANTS !
USA, 2008, 2h02, VOSTF, int. -12 ans
avec Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin, Woody Harrelson, Kelly MacDonald
avec Tommy Lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin, Woody Harrelson, Kelly MacDonald
À la frontière qui sépare le Texas du Mexique, les trafiquants de drogue ont depuis longtemps remplacé les voleurs de bétail. Lorsque Llewelyn Moss découvre une camionnette abandonnée, cernée de cadavres ensanglantés, il ne connaît rien des motifs de ce drame...
"Voilà un de ces films qui vous flingue de plaisir, sans bavure, entre les deux yeux, un bonheur ciné total, du genre que l’on sirote à la paille goutte après goutte, minute par minute, du premier au dernier photogramme. Un de ces films qui vengent le spectateur ou le critique de toutes ces œuvres moyennes qui emplissent les écrans à longueur d’année, un film qui vous empoigne pendant deux heures et vous fait sentir que rien d’autre ne compte. En adaptant le chef-d’œuvre funèbre de Cormac McCarthy, Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (Editions de l’Olivier), Ethan et Joel Coen ont fait très fort : No Country for Old Men s’inscrit dans leur meilleure veine, celle de Blood Simple, Miller’s Crossing ou Fargo, et place la barre encore un cran au-dessus.
Mélangeant les genres canoniques du western, du film noir et du road-movie, No Country for old men revisite le thème ancestral américain, la question d’une violence archaïque impossible à dompter dans un territoire trop vaste, et le porte à son degré ultime de brutalité, de non-sens et d’absurdité. (…)
Trame classique, mais mise en scène fabuleuse d’intensité et de précision. Il faut voir, dans la première partie du film – pendant cette vingtaine de minutes de grand cinéma, quasiment sans une parole prononcée –, comment les Coen se réapproprient les grands espaces du western et réussissent à filmer à nouveau ce motif usé sans tomber dans les clichés et les redites, mais au contraire en lui redonnant une présence neuve, en dramatisant les paysages désertiques, en les transformant en vecteur de suspense.
(…)Le casting et la direction d’acteurs, marque habituelle des deux frères, sont portés ici à une pointe d’excellence qui touche au génie. Tommy Lee Jones en vieux shérif désabusé, c’est comme une évidence. Josh Brolin en cow-boy débonnaire peu décidé à se laisser faire est une magnifique découverte (il est aussi excellent dans le petit court que les Coen avaient signé pour le 60e anniversaire de Cannes). Tous les seconds rôles sont comme toujours chez les Coen remarquablement justes et bien dessinés. Mais là où ils sidèrent, c’est avec Javier Bardem, qui joue Chigurh, le tueur froid et fou. Où ont-ils pêché l’idée grandiose d’aller chercher Bardem, acteur a priori très éloigné de leur univers ? Comment lui ont-ils inventé cette coiffure invraisemblable ? Bardem est extraordinaire, parvenant à transcrire avec une grande économie de moyens toute la folie glaçante de Chigurh, son laconisme mystérieux, son efficacité professionnelle dans le métier de tuer, réussissant le prodige d’être à la fois très drôle et très flippant, souvent dans la même scène.
Les incises comiques sont d’ailleurs la différence la plus notable entre le livre et le film. Adoptant le point de vue du shérif, personnage fordien perdu dans un univers de terre brûlée à la Peckinpah, Cormac McCarthy composait un oratorio sauvage, le requiem lancinant d’une Amérique cavalant vers sa perte, un ballet de meurtres et de mort déserté par le sens, un monde où la loi des mafias supplantait définitivement la Loi de la démocratie dans l’indifférence quasi générale, un pays déserté par ses idéaux originels, un roman d’une noirceur totale, sans rémission."
Serge Kaganski, Les Inrockuptibles
"Voilà un de ces films qui vous flingue de plaisir, sans bavure, entre les deux yeux, un bonheur ciné total, du genre que l’on sirote à la paille goutte après goutte, minute par minute, du premier au dernier photogramme. Un de ces films qui vengent le spectateur ou le critique de toutes ces œuvres moyennes qui emplissent les écrans à longueur d’année, un film qui vous empoigne pendant deux heures et vous fait sentir que rien d’autre ne compte. En adaptant le chef-d’œuvre funèbre de Cormac McCarthy, Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (Editions de l’Olivier), Ethan et Joel Coen ont fait très fort : No Country for Old Men s’inscrit dans leur meilleure veine, celle de Blood Simple, Miller’s Crossing ou Fargo, et place la barre encore un cran au-dessus.
Mélangeant les genres canoniques du western, du film noir et du road-movie, No Country for old men revisite le thème ancestral américain, la question d’une violence archaïque impossible à dompter dans un territoire trop vaste, et le porte à son degré ultime de brutalité, de non-sens et d’absurdité. (…)
Trame classique, mais mise en scène fabuleuse d’intensité et de précision. Il faut voir, dans la première partie du film – pendant cette vingtaine de minutes de grand cinéma, quasiment sans une parole prononcée –, comment les Coen se réapproprient les grands espaces du western et réussissent à filmer à nouveau ce motif usé sans tomber dans les clichés et les redites, mais au contraire en lui redonnant une présence neuve, en dramatisant les paysages désertiques, en les transformant en vecteur de suspense.
(…)Le casting et la direction d’acteurs, marque habituelle des deux frères, sont portés ici à une pointe d’excellence qui touche au génie. Tommy Lee Jones en vieux shérif désabusé, c’est comme une évidence. Josh Brolin en cow-boy débonnaire peu décidé à se laisser faire est une magnifique découverte (il est aussi excellent dans le petit court que les Coen avaient signé pour le 60e anniversaire de Cannes). Tous les seconds rôles sont comme toujours chez les Coen remarquablement justes et bien dessinés. Mais là où ils sidèrent, c’est avec Javier Bardem, qui joue Chigurh, le tueur froid et fou. Où ont-ils pêché l’idée grandiose d’aller chercher Bardem, acteur a priori très éloigné de leur univers ? Comment lui ont-ils inventé cette coiffure invraisemblable ? Bardem est extraordinaire, parvenant à transcrire avec une grande économie de moyens toute la folie glaçante de Chigurh, son laconisme mystérieux, son efficacité professionnelle dans le métier de tuer, réussissant le prodige d’être à la fois très drôle et très flippant, souvent dans la même scène.
Les incises comiques sont d’ailleurs la différence la plus notable entre le livre et le film. Adoptant le point de vue du shérif, personnage fordien perdu dans un univers de terre brûlée à la Peckinpah, Cormac McCarthy composait un oratorio sauvage, le requiem lancinant d’une Amérique cavalant vers sa perte, un ballet de meurtres et de mort déserté par le sens, un monde où la loi des mafias supplantait définitivement la Loi de la démocratie dans l’indifférence quasi générale, un pays déserté par ses idéaux originels, un roman d’une noirceur totale, sans rémission."
Serge Kaganski, Les Inrockuptibles
Séances
Mercredi 14 novembre 2012 à 18:15
Vendredi 16 novembre 2012 à 18:15
Samedi 17 novembre 2012 à 21:00
Vendredi 16 novembre 2012 à 18:15
Samedi 17 novembre 2012 à 21:00