PROGRAMMATION MARS 2007
France, 2003, 1h55, interdit -16 ans
Avec Laurent Lucas, Clara Choveaux, Thiago Telès, Célia Catalifo, Lou Castel
Avec Laurent Lucas, Clara Choveaux, Thiago Telès, Célia Catalifo, Lou Castel
Terranova, un esthète à la pensée poétique, séquestre le transsexuel Tiresia. Privée de ses hormones, Tiresia se transforme peu à peu. Mi-homme / mi-femme, Tiresia, qui a acquit des dons de prédiction, est recueillie par Anna... Une stupéfiante odyssée, très pasolinienne, qui mêle le divin et le profane et demande au spectateur de croire en l'image comme en une apparition poétique.
« Le film de Bertrand Bonello, Tiresia, commence par une série de séquences qui tendent clairement à répondre à quelques critères du tour de force formel et fictionnel. Ces critères sont : 1) la production de scènes aux résonances esthétiques apparemment inédites (…) ; 2) du côté dramatique, relever sans ambages, dès les premières scènes, le défi d'une transposition de la figure mythologique dans le monde contemporain. Plus précisément, ce second point vise la production, à même la bisexualité du mythe de Tiresia, d'une source originaire de la pensée actuelle du cross-gender. (…) Bonello s'intéresse aux mythes dans la mesure où ceux-ci peuvent nous enseigner le présent. Ces images, qui sont l'objet d'une métaphore de "l'originarité", montrent les forces insondables qui gouvernent le monde de la nature. Le monde de Tiresia lui ressemble. Son opacité est trouble mais aussi tranquille, si l'on veut admettre que la représentation de la réalité dans son opacité est une façon calme, apaisée d'aborder le présent. La question que soulève ce qui préoccupe aujourd'hui une réalité, son mode de lecture ayant trait à la fascination. Il y a bien un récit qui permet cet horizon expressif de ce qui fascine : un homme seul traverse le Bois de Boulogne en voiture, scrutant les prostituées jusqu'à ce que son regard s'attarde plus particulièrement sur l'une d'elles. Un autre client, avec lequel la prostituée s'enfonce dans le bois, lui fait chanter une ballade portugaise. C'est la forêt, la nuit noire : deux hommes écoutent cette prostituée chanter. Comme nous le constatons avec Bonello dans notre entretien, cette séquence répond à des critères expressifs qui s'apparentent à la musique. Cette voix dans le Bois, nous semble-t-il, dicte le mouvement de l'image comme l'enchaînement des plans. Les premiers conteurs, comme les premiers récits sont le fait du chant. C'est la voix qui créait un espace poétique et fictionnel, adressé à la foule avant même le théâtre grec. La douloureuse complainte de Tiresia a un caractère toutefois éminemment paradoxal : le lyrisme parfait de cette voix provient d'un corps en détresse (malade), comme autrefois Homère chantait Ulysse, dans son corps de pauvre aveugle. Les siècles ont effacé cette présence de la fiction poétique par le corps du poète et nous avons retranscrit un récit épique. Bonello semble montrer que le poème est synonyme du présent et le cinéma peut participer à ce fait, au moins en donnant "de la présence", dans l'image. Cette proposition du cinéaste peut déterminer l'audace et en même temps la limite du film. La résurgence d'un présent purement poétique à l'image, pour idéaliste qu'elle soit, ne peut longtemps se maintenir si elle n'est un carrefour par lequel s'exprime les passions, les conquêtes des hommes. »
Guillaume Lafleur, Tiresia de Bertand Bonello : Variations du mythe (passé, présent, futur), Hors Champ
« Le film de Bertrand Bonello, Tiresia, commence par une série de séquences qui tendent clairement à répondre à quelques critères du tour de force formel et fictionnel. Ces critères sont : 1) la production de scènes aux résonances esthétiques apparemment inédites (…) ; 2) du côté dramatique, relever sans ambages, dès les premières scènes, le défi d'une transposition de la figure mythologique dans le monde contemporain. Plus précisément, ce second point vise la production, à même la bisexualité du mythe de Tiresia, d'une source originaire de la pensée actuelle du cross-gender. (…) Bonello s'intéresse aux mythes dans la mesure où ceux-ci peuvent nous enseigner le présent. Ces images, qui sont l'objet d'une métaphore de "l'originarité", montrent les forces insondables qui gouvernent le monde de la nature. Le monde de Tiresia lui ressemble. Son opacité est trouble mais aussi tranquille, si l'on veut admettre que la représentation de la réalité dans son opacité est une façon calme, apaisée d'aborder le présent. La question que soulève ce qui préoccupe aujourd'hui une réalité, son mode de lecture ayant trait à la fascination. Il y a bien un récit qui permet cet horizon expressif de ce qui fascine : un homme seul traverse le Bois de Boulogne en voiture, scrutant les prostituées jusqu'à ce que son regard s'attarde plus particulièrement sur l'une d'elles. Un autre client, avec lequel la prostituée s'enfonce dans le bois, lui fait chanter une ballade portugaise. C'est la forêt, la nuit noire : deux hommes écoutent cette prostituée chanter. Comme nous le constatons avec Bonello dans notre entretien, cette séquence répond à des critères expressifs qui s'apparentent à la musique. Cette voix dans le Bois, nous semble-t-il, dicte le mouvement de l'image comme l'enchaînement des plans. Les premiers conteurs, comme les premiers récits sont le fait du chant. C'est la voix qui créait un espace poétique et fictionnel, adressé à la foule avant même le théâtre grec. La douloureuse complainte de Tiresia a un caractère toutefois éminemment paradoxal : le lyrisme parfait de cette voix provient d'un corps en détresse (malade), comme autrefois Homère chantait Ulysse, dans son corps de pauvre aveugle. Les siècles ont effacé cette présence de la fiction poétique par le corps du poète et nous avons retranscrit un récit épique. Bonello semble montrer que le poème est synonyme du présent et le cinéma peut participer à ce fait, au moins en donnant "de la présence", dans l'image. Cette proposition du cinéaste peut déterminer l'audace et en même temps la limite du film. La résurgence d'un présent purement poétique à l'image, pour idéaliste qu'elle soit, ne peut longtemps se maintenir si elle n'est un carrefour par lequel s'exprime les passions, les conquêtes des hommes. »
Guillaume Lafleur, Tiresia de Bertand Bonello : Variations du mythe (passé, présent, futur), Hors Champ
SEANCES
samedi 17 mars à 14h
lundi 19 mars à 20h30
SAMEDI 17 MARS À 14:00 • SÉANCE SUIVIE D’UNE CONFÉRENCE DE YVES TOUCHEFEU ET JÉRÔME BARON
lundi 19 mars à 20h30
SAMEDI 17 MARS À 14:00 • SÉANCE SUIVIE D’UNE CONFÉRENCE DE YVES TOUCHEFEU ET JÉRÔME BARON